Christian HOHMANN

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Le monde des vendeurs de techno est réellement... magique

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Une des ficelles marketing des vendeurs de solutions pour “pitcher”, comprenez vanter les mérites de leur solution, est de prendre un cas particulier, une réalité ou un fait admis, et de le présenter comme une évidence s’appliquant de manière générale.

Ainsi, vantant les mérites d’un outil numérique permettant la capture et le partage d’informations sur le terrain, l’argumentaire nous dit : “Aujourd’hui, ces nouveaux modes de collaboration sont essentiels pour les digital natives, ces nouvelles générations nées avec la technologie qui arrivent sur le marché du travail. Pour un jeune ingénieur ou chef d’équipe il n’est même pas concevable de transmettre une information ou faire une réunion en écrivant sur un tableau blanc ou sur du papier”.

Certes, l’écriture n’est plus le fort des jeunes générations, qui font même des fautes en s’envoyant uniquement des émojis, mais de là à déduire que le simple fait d’être né à une époque où les technologies étaient existantes transforme toute jeune personne automatiquement en un petit dieu du numérique est tout bonnement ridicule.

Ainsi, à l’heure d’écrire ces lignes durant le premier trimestre de 2022, j’ai côtoyé en usine des “digital natives” (par définition et non pas par leurs compétences) qui non seulement prenaient des notes sur cahier de papier (qu’eux seuls pouvaient éventuellement redéchiffrer), mais ne savaient pas placer une formule de calcul élémentaire dans une cellule Excel.

Ces digital natives, faisaient comme nombre de leur aînés le font encore : utiliser l’application calculatrice sur leur smartphone pour recopier le résultat de leurs calculs dans la feuille Excel.

Pourtant ils sont loin de souffrir d’illectronisme. Avec leurs smartphones, leurs tablettes, leurs PC, ils ‘tchatent’, surfent, likent, font des recherchent, trouvent des infos et des bons plans, mailent, et sont capables de configurer les paramètres audio, vidéo et autres à leurs collègues ou leurs aînés moins à l’aise avec les technologies numériques.

Voient-ils pour autant une solution de capture et de partage d’infos comme essentielle (parce qu’ils sont, rappelons-le, des digital natives) ? Rien n’est moins sûr.

Au contraire même, rien de plus agaçant pour la plupart d’entre eux que de regarder l’animateur (généralement non-digital native) peiner avec les fonctionnalités et les subtilités ergonomiques des interfaces de ces solutions collaboratives, faisant perdre plus de temps à tout le groupe qu’un seul en perdait (?) un peu, à recopier ses notes depuis le cahier papier...

Car voyez-vous, le digital native fonctionne en très haut débit et se montre très peu patient.

Digitaliser la collaboration dans les ateliers de production est aussi un bon levier pour attirer de nouveaux talents et améliorer son attractivité auprès de ces jeunes générations en demande de digital au quotidien à leur poste, en particulier dans les bassins d’emplois où certains profils sont rares” continue le vendeur.

S’il est vrai que le manque de matériel récent et performant peut être un handicap quant à l’attractivité pour une entreprise, il faut néanmoins avoir entendu les candidats à l’embauche exiger avant toute chose des taux horaires délirants qu’ils estiment justifiés au regard de leur grande inexpérience et de la rareté des postulants dans le bassin d’emploi, pour bien comprendre où ils placent leurs priorités.

Leur répondre qu’ils seront payés de technologies dernier cri permettant de se passer du papier et du crayon ne me paraît pas de nature à les convaincre, et tenter de les flatter en les traitant de “digital natives” risque d’être interprété comme une insulte, ce qui, selon le bassin d’emploi, peut présenter quelques risques pour la sécurité du flatteur.

Le monde réel me semble assez loin du monde magique des vendeurs de “technologies”, qui doivent quitter trop peu leurs écrans et autres extensions de digital naïves (relisez lentement, jeu de mot) pour s’en rendre compte.

S’ils devaient s’aventurer dans le monde réel pour rencontrer une licorne, qu’ils soient prévenus qu’il s’agit là d’une métaphore et non d’un animal mythique fait d’un cheval et d’une corne qu’il porte sur le front.

S’il s’en trouve à s’offusquer de ce contre-pitch, je les assure cependant de ma bienveillante sympathie, car ils me fournissent avec une constance qui force mon admiration, matière à billets acidulés et analyses critiques.

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Mise à jour le Dimanche, 27 Mars 2022 06:53