Christian HOHMANN

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Dirigeants & Managers, quel est l’intérêt d’un audit de maturité numérique (et Lean) ?

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La suspicion d’un audit gadget, qui fait l’affaire des cabinets conseil

Avec la vague de la transformation numérique et son battage médiatique, les offres d’assistance et d’accompagnement ainsi que de solutions se sont multipliées comme les champignons après la pluie. De nombreux cabinets conseils, établis ou nouveaux, ont proposé des audits de maturité préalablement à une transformation numérique. Les décideurs et managers peuvent légitimement se poser la question de l’utilité d’un tel audit. En effet, certains suspectent qu’il s’agit d’un “gadget” opportuniste que les consultants mettent en avant, flairant un bon filon et souhaitant surfer sur la vague de la transformation numérique. Alors que doit-on penser de l’intérêt d’un audit de maturité numérique.

D’abord soyons clairs, toute nouveauté, que ce soit une méthode, un concept, aiguise les appétits de tous types de prestataires et dans le consulting plus particulièrement, on voit apparaître des experts de plus de 20 ans d’expérience du jour au lendemain. On a vu ça avec toutes les méthodes japonaises, la qualité totale, la maintenance productive, Lean, Six Sigma et j’en oublie. Il y a bien des opportunistes qui tentent leur chance d’accéder à une part du gâteau. Ils sont plus ou moins légitimes, raison pour laquelle il faut sélectionner les offres et les prestataires avec attention, mais ceci est valable pour toute prestation, en toute occasion. Ces déviances mises à part, un audit de maturité permet de réaliser un vrai état des lieux et ce n’est pas une prestation gadget.

Un vrai état des lieux

Il y a de nombreux prérequis à une transformation numérique réussie, aussi est-il judicieux de mener un état des lieux préalable, afin d’estimer :

  • La pertinence du projet en fonction des objectifs stratégiques de l’organisation
  • Si la différence entre numérisation et transformation numérique est bien comprise
  • Le degré de préparation de l’organisation et de ses membres, la prédisposition ou l’aptitude à la transformation
  • Les écarts les plus importants entre la situation actuelle et celle visée
  • L’intensité de l’effort et les moyens nécessaires pour mener la transformation

entre autres.

Il faut également éviter de tomber dans le piège de l’automatisation (ici à comprendre au sens le plus large), l’automatisation de processus défaillants ou inefficients. Car comme l’avait rappelé Bill Gates, “la première règle de toute technologie utilisée dans une entreprise est que l’automatisation appliquée à une opération efficace en amplifiera l’efficacité”. La seconde règle est que “l’automatisation appliquée à une opération inefficace amplifiera l’inefficacité.” Faute de mener cette étude, cet état des lieux préalable, le risque est important de démarrer mal préparé, trop optimiste et sans plan suffisamment élaboré pour mener un projet d’une telle importance.

Le risque sous-évalué de l’illectronisme

Un risque fréquemment sous-évalué en matière de transformation numérique est celui de l’illectronisme. Selon wikipedia, “L’illectronisme est un manque ou une absence totale de connaissances nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources électroniques.” C’est un thème que j’ai abordé en détail dans ma vidéo intitulée “Qu’est-ce que l’illectronisme ?”, que je vous invite à visionner ou à revoir. J’y exposais, entre autres, que l’on a trop facilement tendance à penser, que parce que la majorité des foyers dispose d’un ordinateur ou d’une tablette, et qu’une large part de la population possède un smartphone, on peut en déduire que l’ensemble de la population est à l’aise avec les outils numériques. Or des études dans divers pays et sur de vastes échantillons de populations, ainsi que nos éventuels constats personnels, démentent ce mythe.

J’ai été frappé par le cas d’un jeune homme, qui paramétrait allègrement les smartphones de ses collègues mais était incapable de placer une formule dans Excel. Il exécutait son calcul sur une calculatrice basique puis entrait manuellement le résultat dans une cellule du tableur. Il serait donc trompeur de se fier à des apparences de maîtrise des outils numériques et penser que ses collègues et collaborateurs disposent de l’aisance suffisante pour lancer une transformation numérique d’ampleur, au niveau de l’entreprise.

Les bonnes raisons d’évaluer sa maturité

Si je reformule, évaluer la maturité numérique de son organisation permet en tout premier lieu de clarifier les termes et concepts qui l’entourent ainsi que de mieux cerner les prérequis au succès d’une transformation numérique. Ce succès tient moins aux outils et aux systèmes installés qu’à leur usage pertinent au service d’une finalité, d’une ambition stratégique. Dans l’engouement pour le numérique, la confusion est (était ?) fréquente entre la numérisation, c’est-à-dire la mise au format numérique (scanner un document papier par exemple) et la transformation numérique, qui est la reconception des modes de fonctionnements, des processus à l’aide et autour des outils numériques.

Un exemple est la création des processus de commerce électronique, en plus de ceux du commerce traditionnel, qui sont totalement différents et nécessitent des adaptations de l’organisation. La seconde bonne raison d’évaluer sa maturité numérique est de prévenir la tentation du plaquage de technologies sur des processus défaillants ou inadéquats, qui ne pourraient que mener au mieux à des demi-succès et plus certainement à des échecs. La troisième bonne raison est de vérifier l’écart entre l’aisance apparente et perçue des personnels face aux outils numériques, le niveau et l’aisance réels et le niveau de maîtrise requis. Nombreux sont celles et ceux qui de bonne foi pensent qu’avec la diffusion des smartphones, tablettes et ordinateurs dans les foyers, la population a acquis une réelle culture numérique. Or il s’agit davantage d’une aisance avec certains outils et certaines applications à des fins précises (communiquer sur les réseaux sociaux, commander en ligne…) que d’une véritable culture numérique.

Une autre illusion est le degré de maîtrise des outils communs de la bureautique tels que les tableurs, traitements de texte ou logiciels de présentation, nettement inférieur à ce que l’on pourrait croire et que le télétravail forcé (lors des confinements durant la pandémie du COVID-19) a mis en évidence. En effet, les personnels ayant insuffisamment de maîtrise ne pouvaient plus la masquer en demandant aide et assistance à leurs collègues.

L’évaluation de la maturité numérique permet alors de restituer un état des lieux quant au niveau de maîtrise des outils numériques, de la compréhension de leurs potentiels, de leurs implications, le degré de numérisation des processus et de préparation de l’entreprise, etc. Celle-ci démarre le plus souvent avec l’évaluation de l’intention stratégique numérique et du business model visés par la transformation. En fonction de la maturité évaluée, on déduit l’aptitude ou le degré de préparation de l’organisation, ainsi que le degré de confiance quant au succès d’une transformation numérique.

La combinaison audit de maturité numérique et maturité Lean

Parmi les offres d’audits de maturité proposés, un certain nombre proposent de croiser la maturité numérique et la maturité Lean de l’organisation. Ce n’est pas une astuce pour les cabinets conseil de maintenir leur fond de commerce, lorsqu’ils sont spécialisés dans l’excellence opérationnelle par exemple, mais une sage précaution pour ne pas tomber dans le piège de la règle n°2 énoncée par Bill Gates.

En principe, plus une organisation est mature en matière d’Excellence Opérationnelle, en Lean et plus elle a revu ses processus pour les améliorer et éliminer, ou tout du moins réduire les inefficiences. Si la maturité Lean est faible, il y a probablement peu de sensibilité aux gaspillages, aux erreurs et défauts, à réduire les durées de traitement, etc. Les personnels auront probablement tendance à reproduire dans un contexte numérisé, ce qui se faisait auparavant, sans profiter de l’opportunité pour revoir de manière critique les processus existants.

Les hypothèses autour de ces audits

Les audits de maturité ne font que révéler cela : la maturité de l’organisation par rapport à un référentiel. Il existe de nombreux référentiels et pratiquement chaque organisation, cabinet conseil ou prestataire propose le sien. Attention, maturité ne signifie pas maîtrise, ni surtout performance. Je vous invite à visionner ma vidéo “Lean, maturité, performance, efficacité et efficience” sur cette chaine, pour bien comprendre que l’on peut être mature sans être performant et inversement.

En fait, les audits de maturité sont basés sur l’hypothèse qu’il existe une corrélation positive entre maturité et niveau de performance. Si celle-ci se vérifie à de nombreuses reprises, elle n’est en rien systématique et ne peut être considérée comme une loi générale. Il faut donc retenir qu’un bon score à des audits de maturité ne qualifie pas l’entreprise en termes de performances.


Mise à jour le Samedi, 28 Octobre 2023 12:19