Christian HOHMANN

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Ne laissez pas le savoir sortir par la porte ni s’échapper par la fenêtre !

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Ce post est inspiré par un article de Norbert Majerus paru dans IndustryWeek en octobre 2018, intitulé “Don't Let Knowledge Walk Out the Door”, dans lequel l’auteur invite les entreprises à prévenir la perte d’expertise par le départ en retraite des sachants. J’ai complété un article à ma sauce, intitulé “Don't Let Knowledge Walk Out the Door or escape through the window”, en référence à l’article de M Majerus.

La perte de savoirs

Que ce soient dans les startups ou dans les entreprises établies, il existe un risque important de perte de savoirs et/ou de savoir-faire par le départ à la retraite des sachants (c’est la métaphore du savoir qui s’en va par la porte) ou le turnover des personnels (c’est de manière figurée le savoir qui s’échappe par la fenêtre).

La valeur des compétences et connaissances réutilisables qui peuvent disparaître est soit évidente, soit délicate à évaluer a priori. Dans le premier cas il s’agit de connaissances et compétences indispensables à l’activité de l’entreprise et dont la disparition peut avoir un impact significatif, jusqu’à mettre en péril la survie de l’entreprise.

Généralement ce type de compétences et connaissances, ainsi que leur importance est connu, sans pour autant que des moyens de capture, sécurisation, capitalisation et mutualisation soient systématiquement mis en œuvre.

Dans le second cas, il s’agit de connaissances, savoirs, savoir-faire ou compétences dont on n’a pas nécessairement identifié l’importance, celle-ci se révèle une fois que les détenteurs ne sont plus dans l’entreprise.

Les départs en retraite, un risque relativement bien identifié mais...

Avec les départs massifs des générations baby-boom, les risques de pertes de savoir et compétences sont généralement identifiés. De nombreuses publications professionnelles s’en sont fait l’écho. Mais cette information largement partagée et le risque identifié n’impliquent pas que les entreprises se soient montrées pro-actives pour autant ! Il est d’autant plus étonnant de voir des entreprises se débattre avec des problèmes liés aux départs en retraite que ceux-ci sont largement prévisibles.

Prévisibles certes, mais potentiellement massifs et/ou concentrés sur une certaine période, ce qui peut saturer les moyens et ressources prévues pour capturer les savoirs, vérifier leur documentation, etc.

Souvent, les perturbations ne sont pas dues à des connaissances très techniques ou pointues mais simplement de la connaissance d’un processus peu ou pas documenté, dont la personne en charge connaissait parfaitement toutes les finesses, les astuces, les raccourcis, etc.

Si personne n’y voyait rien de particulier en termes de risques à prévenir ou de connaissances à capturer, c’est une fois la personne titulaire partie et son remplaçant buttant sur les premières difficultés que l’on s'aperçoit qu’un certain type de connaissance est bien parti par la porte !

Un autre exemple typique est celui d’un fichier Excel ou d’une application créée et maintenue par la personne désormais partie. Au premier dysfonctionnement ou besoin d’adaptation et l’on se rend compte à quel point il est difficile de reprendre le flambeau sans documentation !

Le turnover des personnels, nouveau risque de perte de savoirs

La vague de démissions et rotations de personnels post-crise sanitaire (en ce mois de mars 2023 est-il prudent d’évoquer le post-COVID ?) a étendu le risque de perte de savoirs à tout le personnel, qui peut potentiellement quitter l’entreprise à brève échéance, à son initiative.

Les mêmes risques décrits précédemment s’étendent à l’ensemble du personnel et à des départs potentiels beaucoup moins prévisibles que ceux liés aux retraites ! Y compris les rotations fréquentes de personnels, dans les cas où les nouveaux embauchés ne restent pas. Ces départs ou rotations peuvent également être massives ou concentrés sur des périodes courtes.

Pour avoir été témoin d’un tel phénomène, la perte de savoir peut simplement concerner les actions initiées par un prédécesseur, parti rapidement et que son remplacement n’a pas eu le temps de connaître. Personne ne sait au juste ce qui a été initié, ni l’état d’avancement des travaux, etc. Ces perturbations peuvent prendre des proportions importantes ou avoir des impacts significatifs sur l’activité, la satisfaction des clients, etc.

Une autre expérience dont j’ai été témoin, c’est dans les startups. Dans un cas, tous les personnels, y compris les experts compétents, s'effondrent et s'épuisent dans le chaos créatif et informel d'une jeune organisation immature. Certains abandonnent et partent dans ce qui peut ressembler, en effet, à une “évasion par la fenêtre”.

Ils s’échappent d’une pression énorme, d’une charge de travail élevée, de la rareté des ressources, des priorités en constante évolution, du manque de clarté et d'autres raisons “d'en avoir marre”.

Ceux qui restent n'ont ni le temps ni la volonté d'interviewer leurs pairs démissionnaires, car un nouveau venu prendra en charge le poste bientôt vacant et les problèmes qui y sont liés.

De leur point de vue, pourquoi faudrait-il détourner une capacité rare pour capter des connaissances qui ne profiteront qu'à quelqu'un d'autre ? Ceci est un raisonnement égoïste, court-termiste et rationnellement faux, mais humainement compréhensible.

La relation mentor-débutant pour partager des connaissances est rarement envisagée et trop souvent, les personnes qui démissionnent sont parties avant l'arrivée du remplacement, sans chevauchement. Cela peut être imputé soit à l'incapacité à gérer les chevauchements, soit à la volonté de limiter les coûts.

Les entreprises conscientes du risque, mais peu proactives

La plupart des entreprises que je côtoie est consciente du risque de perte de savoirs, mais elles agissent peu. Du coup, je suis toujours et encore surpris dans ma carrière de consultant, de croiser des entreprises qui se retrouvent en difficulté pour s'être mises en état de dépendance par rapport à des connaissances personnalisées, c'est-à-dire des personnes seules détentrices de certains savoirs, qui quittent l'entreprise souvent rapidement, plus rapidement que ne le permet de capturer les savoirs qu'elles emportent avec elles.

Les raisons de ne pas capturer, sécuriser et partager les connaissances sont multiples. Bien sûr, écrire des mémos et alimenter des bases de données n'est pas très attrayant pour les experts. Fouiller dans les manuels et les bases de données ne l'est pas non plus pour ceux qui pourraient bénéficier de connaissances réutilisables, alors que réinventer quelque chose l'est. Mais ce n'est pas toujours la principale raison de l'échec de la sécurisation des connaissances.

Certaines entreprises ne comprennent tout simplement pas la valeur des connaissances réutilisables, d'autres ne savent pas comment les capturer. Certains experts croient encore qu'ils peuvent sécuriser leur position ou augmenter leur valeur en ne partageant pas leurs connaissances et expertises.

Quelles solutions ?

Dans une vidéo de ma série “Christian fait son professeur”, inspirée d’un cas d’une startup que j’ai pu accompagner, je propose de capter formellement les connaissances de manière concise, pratique à partager et à récupérer avec des courbes de trade-off (arbitrage) ou abaques, d’établir des diagrammes causes-effets correctement remplis ou encore des rapports A3. Les capsules vidéo peuvent être un moyen alternatif de partager de la connaissance, avec l'avantage d'offrir plus de place à la créativité.

Je suggère également d'avoir de courtes routines de présentation dans une "académie" interne. Tous les détenteurs de connaissances doivent se relayer afin de partager mais aussi de perfectionner leurs compétences de présentation. De tels exercices devraient être évalués par ROTI (Return On Time Invested) sur la valeur perçue et les compétences de médiation.

Davantage de suggestions sur la façon de capturer et de partager les connaissances peuvent être lues dans l'article original de M. Majerus, que je recommande de lire.

Mise à jour le Samedi, 11 Mars 2023 10:02