En ce début 2014 il n’est plus de jour qui s’écoule sans l’annonce de nouvelles possibilités époustouflantes offertes par l’impression 3D. Ces nouvelles techniques de fabrications additives - on ajoute la matière couche par couche - sont accessibles à un nombre croissant d’acteurs pour des coûts toujours plus faibles et avec des matières de plus en plus diverses.
Les possibilités offertes sont enthousiasmantes autant qu’inquiétantes, car elles vont nécessairement entrainer des bouleversements qu’il vaut mieux anticiper.
Le meilleur comme le pire
Parmi les applications possibles on trouve d’ingénieuses prothèses dont le coût de revient est ridiculement faible, qui ouvrent la voie à l’appareillage de personnes handicapées qui ne pouvaient jusqu’alors accéder à des prothèses fonctionnelles bon marché. On pense immédiatement à des populations victimes de guerres dans des pays pauvres, mais ce type de prothèses trouve également sa "clientèle" au sein des populations les moins aisées des pays riches.
L'impression 3D ne se limitera pas à produire des prothèses de pauvres, mais stimulera certainement la manière de concevoir les prothèses en général, en intégrant les nouvelles possibilités offertes par ces techniques, les nouveaux matériaux, la créativité d'astucieux concepteurs amateurs et généreux ou désintéressés (crowdsourcing).
Hélas, on trouve également des applications plus douteuses telle que l’impression d’armes à feu parfaitement fonctionnelles et potentiellement indétectables.
Si le développement des prothèses bon marché part de l’idée généreuse d’offrir une amélioration du confort de vie notable à son prochain, la fabrication incontrôlable d’armes à feu obéit à des motivations d’une toute autre nature. S’il devrait se trouver peu de monde pour se plaindre de la prolifération de prothèses, on peut gager que la prolifération des armes à feu subitement rendues accessibles à virtuellement n’importe qui entrainera légitimement des craintes et réactions toutes autres.
Ce dernier cas devrait préoccuper les autorités, tant pour se prémunir d’une explosion de la criminalité armée que des accidents que pourraient subir ou causer les apprentis armuriers.
Transformation et disparitions de métiers
Positivons et considérons les applications pacifiques de l’impression 3D et prenons l’exemple de figurines de collections.
Jusqu’ici le business de la figurine de collection tel que les héros de bandes dessinées ou de film reposait sur la compétence de créer le modèle original, un moule, de fabriquer les figurines et de les distribuer. Avec l’impression 3D le moule devient superflu, tout comme la fabrication et la distribution, puisque le collectionneur équipé de l’imprimante adéquate pourra s’imprimer lui-même et en nombre théoriquement infini ses figurines à domicile.
Ce business évoluera probablement en création de fichiers numériques des figurines, de leur mise en téléchargement et de la possibilité de modifier le fichier original par des applications dédiées.
Ainsi, tout comme la consommation de musique s’est largement affranchi des supports physiques et ce faisant a complétement remis en cause le business model du secteur, un certain nombre de secteurs d’activités devraient connaitre une révolution similaire. Pour certains d’entre eux, trop peu attentifs aux évolutions technologiques qui paraissaient éloignées de leurs métiers, la surprise risque d’être totale et le choc violent.
Podologues, prothésistes dentaires, etc.
Prenons le cas des semelles orthopédiques. Jusqu’à présent c’est du ressort d’un podologue (3 ans d’études spécialisées minimum) qui fabrique les semelles sur mesure en coupant, formant et collant divers matériaux tels que cuir, liège, etc. Par voie de conséquence, ces semelles sont chères, souvent uniques et en matériaux moyennement durables.
Voilà que l’impression 3D autorise des semelles personnalisées non seulement du point de vue de la correction mais également du point de vue du look (choix des couleurs pour commencer), dont on peut s’imprimer plusieurs exemplaires pour les assortir à diverses chaussures, ce que les dames en particulier apprécieront.
Les avantages vantés de ces nouvelles semelles imprimées sont multiples : moins chères, lavables, anti-microbiennes, couleurs et formes au choix et plus encore.
Si cette tendance se confirme, que deviendront les podologues ? Des créateurs de modèles numériques de semelles que les patients imprimeront ? En auront-ils la compétence ? Faudra-t-il encore un podologue ou est-ce qu’un scanner 3D (existe déjà) pourra déterminer lui-même les formes à imprimer pour une correction adéquate ?
Ces questions montrent à quel point une profession spécialisée peut être impactée par une innovation technologique.
Après les semelles, pensez aux prothèses dentaires, les "gouttières" et à tous les autres exemples de produits, qui certes deviendront moins chers pour leurs utilisateurs mais qui auront également un coût social.
Pour autant faut-il refuser le progrès ? Je ne crois pas, mais il est bon d’anticiper ses conséquences.
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