La question la plus basique à propos de Lean est probablement "quelle est sa définition ?"
Définir le Lean de manière synthétique et non ambiguë est un exercice difficile.
Trop synthétique, la définition est réductrice et potentiellement sujette à malentendus et/ou à interprétations fallacieuses. Trop explicite et elle risque de manquer de concision et donc être difficile à mémoriser et à restituer.
Jim Womack et Daniel Jones sont les « pères du Lean » en ce sens qu’ils ont popularisé le mot "Lean", synthétisé les principes et largement diffusé ces connaissances.
Pour Womack et Jones, le Lean est l’observation d’un système opérationnel au travers d’un prisme qui révèle la valeur, les flux, les potentiels pour tirer les flux et de tendre vers la perfection. Mais laissons les s'exprimer directement.
La définition du Lean varie selon les différents auteurs et selon la période. Après la grande période du management par la qualité totale (TQM) dans les années 1978-1985 (?) et la prise de conscience de la nécessité de raisonner en processus transversaux, Lean (on parlait plus de flux tendu) a été connoté "accélérateur de flux". Le basculement de cette définition vers "l’élimination des gaspillages" s’est fait graduellement.
Dans Lean Management, la définition de Lean n’est proposée qu’à la page 90, soit après les premiers 20% du livre. C’est un parti-pris pédagogique qui privilégie l’énumération des différents principes, au travers d’exemples concrets, avant de tenter de résumer le Lean en une définition synthétique.
Propositions de définitions
Dans Lean Management, je propose la définition suivante :
Lean est un "système" visant à générer la Valeur Ajoutée maximale au moindre coût et au plus vite, ceci en employant les ressources juste nécessaires pour fournir aux clients ce qui fait de la valeur à leurs yeux.
C’est une définition relativement concise et explicite, qui mérite d’être analysée et commentée en détail si nécessaire, pour bien faire comprendre la richesse qu’elle recèle.
Une définition alternative proposée dans le même ouvrage est :
Le Lean est une approche systémique pour concevoir et améliorer les processus en visant un état idéal centré sur la satisfaction du client, par l’implication de l’ensemble des personnels dont les initiatives sont alignées par des pratiques et principes communs.
Ces deux définitions se réfèrent à un système, qui est un ensemble d'éléments en interaction dynamique. Ce système poursuit une finalité : la satisfaction des clients (et plus largement des parties prenantes), afin d’assurer une prospérité durable à l’entreprise.
Si les clients sont systématiquement mis au cœur des préoccupations, c’est parce qu’ils injectent de l’argent frais. Cette injection ne fonctionne que si les autres parties prenantes contribuent, notamment les employés par la qualité de leur travail, leurs suggestions et capacités d’innovation.
Le système est coordonné, organisé selon un certain nombre de principes ou règles et soutenu par une riche boite à outils et méthodologies.
Proposition 3 :
Le Lean n’est pas simplement d’une collection d’outils ou de techniques mais une méthode globale de management et un cadre de référence qui permet de maintenir l'entreprise sous tension créative.
Par système ou systémique, il faut également comprendre "un tout". Le Lean s’applique partout, par tous, intégralement. S’il est possible de n’appliquer que certains préceptes et outils et que de manière localisée avec un certain succès, l’efficience maximale ne pourra toutefois n'être atteinte que si l’implémentation est globale, intégrale et complète.
Lean c'est la chasse aux gaspillages
Si l’éradication des gaspillages existants et l’évitement de gaspillages futurs sont une obsession en matière de Lean, résumer celui-ci à la seule chasse aux gaspillages est très réducteur. D’ailleurs « gaspillage » est un terme générique qui dans le contexte doit se comprendre comme un synonyme de dysfonctionnements ou encore de problèmes. (Lean Management, page 94)
Lean est trop souvent réduit à cette définition qui irrite les promoteurs du "vrai" Lean. En effet, la chasse aux gaspillages est perçue comme la réduction des coûts, une mesure destinée tantôt à améliorer (ponctuellement) des résultats tantôt à alléger les structures, sans pour autant remettre en question les causes qui sont à l’origine des résultats médiocres ou des structures trop riches.
La chasse aux gaspillages peut apparaître comme un "divertissement" utile et temporaire, une espèce de solution de secours tel un régime après un relâchement de la discipline diététique. Or dans l’un et l’autre cas on sait que le remède est illusoire car aucune cause profonde n’est remise en cause.
Ces mesures court-termistes contredisent en outre un fondement du Lean qui est de de viser l’atteinte d’un état idéal à long terme par des efforts constants et continus.
Le "vrai" Lean cherche à exploiter les leviers de croissance et non pas à réduire dépenses et ressources dans une recherche maladive de "maigreur", d’anorexie. Ainsi, le raisonnement par l’absurde montre qu’une organisation est infiniment Lean lorsqu’elle cesse toute activité, car alors elle ne consommera plus aucune ressource.
Les pièges de la concision
Les initiés entre eux peuvent se contenter de définitions très concises, car ils savent ce qui se cache derrière. C’est un peu comme pour un familier du métro parisien, voir la première page du plan replié évoque l’ensemble du réseau dont il a suffisamment de repères en tête pour que l’évocation « plan du métro » fasse du sens.
Evidemment il en est tout autre pour quelqu’un qui ne connait pas le métro et qui ne peut deviner la richesse du réseau sur la seule représentation de la première page. Pour lui, déplier le plan est nécessaire à sa compréhension.
Ainsi la définition « faire plus avec moins » est parlante pour les initiés, mais cette formulation minimaliste peut se révéler ambiguë et source de malentendu pour ceux qui reçoivent ce « message » la première fois.
On conçoit que sous la forme brute, pour celles et ceux qui seront exposés aux conséquences de la mise en œuvre du Lean, le message n’est pas forcément compris, ne se présente pas de manière positive ni attractive. Retranscrit dans un langage plus opérationnel, « faire plus avec moins » se comprend bien souvent comme « travailler plus, plus vite avec moins de temps et moins de moyens ».
Si la formulation condensée est parfaitement exacte, elle mériterait d’être énoncée sous sa forme complète :
« Produire davantage de valeur ajoutée en gaspillant moins de ressources ».
En voulant donner une définition synthétique ayant vocation à servir de mnémotechnique, ramener le Lean à cette expression dépouillée est extrêmement réducteur et terriblement ambiguë.
Il serait plus correct de dire "faire au plus juste", ce qui signifie :
Produire bon du premier coup, sans pertes ni gaspillages,
Supprimer l'inutile,
Veiller au rendement des matières et des énergies, afin de ne pas en gaspiller,
Veiller à la productivité main d'œuvre et à la productivité des machines et des équipements, qui sont toutes des ressources précieuses, à capacité limité.
Dans une interview lors de sa visite à l'entreprise Lantech, voilà comme Jim Womack répond à la question : "Comment pourriez-vous caractériser Lean thinking ?"
Creating more and more value with less and less.
That means less time, less space, less effort, fewer errors.
It’s pretty simple. It’s all Lean is.
The question is how you do that?
Créer de plus en plus de valeur avec de moins en moins.
C’est-à-dire moins de temps, moins d’espace, moins d’erreurs.
Lean is about a new business model that delivers far more superior performance for customers, employees, shareholders and society at large. Initially this superior performance delivers exactly what customer wants, without any problems, delays, hassles, errors and firefighting. Very quickly it’s also freeing up the capacity to deliver a third or more value, from existing resources without additional costs.
Lean est un nouveau modèle d'organisation qui atteint des performances nettement supérieures pour les clients, les employés, les actionnaires et la société au sens large. Au départ, cette performance supérieure offre exactement ce que le client veut, sans aucun problème ni retards ni problèmes ou erreurs et sans « actions pompiers ». Très vite, il permet également de libérer la capacité de créer un tiers de valeur ou plus, à partir des ressources existantes, sans coûts supplémentaires.
Les quelques exemples ci-dessus illustrent la difficulté de s’accorder sur UNE définition du Lean, qui apparaitrait à la fois suffisamment concise ET explicite.
La rationalité de celui qui énonce la définition, son auditoire et les circonstances dans lesquelles la définition est énoncée conditionnent cette dernière.
Jim Womack donne une définition très courte, facile à mémoriser, de de façon quelque peu malicieuse ; quelqu’un de familier avec Lean la trouvera suffisante et pertinente, les autres seront très certainement interpellés par le paradoxe apparent ou la provocation qu’elle sous-tend.
Dan Jones répond de manière professorale et extensive, prenant le parti d’une approche quasi académique.
La difficulté d’énoncer une bonne définition est une chose, de se servir des raccourcis ou imperfections des définitions proposées pour alimenter son propre discours – anti Lean – en est une autre.
Les promoteurs auront à cœur de trouver la bonne formule qui énonce clairement ce qui est visé sans affoler les parties prenantes, les détracteurs sont laissés à leurs propres valeurs éthiques.
Le système de production TOYOTA est emblématique du Lean Manufacturing et le berceau de la plupart des meilleures pratiques et méthodes appelées un temps "japonaises". Le "système TOYOTA" s'est fait connaître hors Japon lors de la crise du pétrole pétrolière de 1973. Alors que ses concurrents se faisaient sévèrement malmener, Toyota tirait durablement son épingle du jeu. Cette bonne résistance focalisa l'attention des industriels de l'automobile sur le "cas Toyota".
En Occident, c'est une étude du Massachusetts Institut of Technology (MIT) sur l'industrie automobile, publiée dans le livre "Le système qui va changer le monde" [WOM92] en 1980 qui fit connaître le nouveau système de pensée et impulsa un grand intérêt pour ces nouvelles méthodes.
Cet article est une analyse personnelle qui n'engage que l'auteur.
Il succède au modèle de FORD, et on parle de toyotisme après le fordisme et le taylorisme.
Aux débuts étaient les contraintes
[OHN78] OHNO ; Le Toyota Production System est né d'un besoin. A la fin de la seconde guerre mondiale, Toyoda Kiichiro, président de Toyoda Motor Company, déclara "Il faut rattraper l'Amérique en trois ans sinon, l'industrie automobile japonaise ne survivra pas."
[OHN78] OHNO ; The Toyota Production System was born out of need. At the end of W.W.II, Toyoda Kiichiro, president of Toyoda Motor Company, said "Catch up with America in three years. Otherwise, the automobile industry of Japan will not survive
Au sortir de la seconde guerre mondiale, dans un pays en ruine, Toyota Motor Company doit faire face à toutes les pénuries, un marché national très fragmenté n'autorisant pas de grandes séries et une multitude de concurrents. Ces conditions "initiales" ont toute leur importance pour comprendre la voie suivie par les architectes du Toyota Production System (TPS). On trouve dans ces conditions initiales les prémisses de la Théorie des Contraintes, bien avant que Goldratt ne la formalise ;
Un marché avec une capacité d'absorption limitée,
Des approvisionnements incertains,
Des moyens financiers et productifs très limités
OHNO : "Ce système de production est né dans un environnement japonais, parce qu'il ne pouvait probablement pas naître ailleurs." (../..) "Aujourd'hui, les conditions d'une croissance économique lente sont partagées par tous les pays et toutes les entreprises. C'est la raison pour laquelle je pense que le système de production Toyota peut être considéré comme un système de conduite des entreprises industrielles susceptible de s'appliquer à toute espèce d'entreprise."[OHN90]
Dans le contexte d'origine, toute ressource étant rare et précieuse, cela conduisit logiquement à en chercher son exploitation optimale, en éliminant tout gaspillage.
Les deux piliers du système de production Toyota
Taiichi OHNO : "L'idée de base du système Toyota est "l'élimination totale des gaspillages". Les deux piliers sur lesquels repose cette idée, et qui permettent de la concrétiser, sont :
la production "juste à temps"
l''autoactivation" de la production
L'assemblage juste à temps d'une automobile signifie que chaque composant parvient à la ligne d'assemblage au moment voulu, et seulement dans les quantités voulues. Si cela peut se faire de proche en proche, à travers toute l'entreprise, celle-ci peut du même coup réaliser les conditions du "stock-zéro". (…) Conformément à l'idée du "juste à temps", chaque poste de travail doit pouvoir prélever sur celui qui le précède dans le processus de production, les pièces dont il a strictement besoin. Dès lors, pourquoi le poste de travail amont ne se bornerait-il pas à produire les pièces qui lui ont été prélevées ?
L'autre pilier du système de production Toyota est l"autonomation". Ce n'est pas l'automation ; c'est l "auto-nomation" ; nous disons aussi "auto-activation".
Il existe de nombreuses machines qui fonctionnent d'elles-mêmes à partir du moment où elles sont branchées sur une source d'énergie (ou activées). Leur inconvénient est qu'elles ne s'arrêtent pas nécessairement lorsqu'une situation anormale survient. (…) Avec les machines automatiques conçues pour la production de masse, on ne peut donc pas éviter non plus la production de masse de produits défectueux. (…) On entend, chez Toyota, par machine "auto-activée", une machine équipée d'un dispositif d'arrêt automatique en cas d'anomalie. (…) Elles sont dotées de divers systèmes de prévention des productions défectueuses, dits aussi poka-yoke, ce qui leur confère des facultés d'intelligence. (…) C'est ainsi qu'il n'est pas nécessaire de maintenir un opérateur auprès de la machine tant que celle-ci fonctionne normalement. C'est seulement lorsqu'elle s'arrête à la suite d'une anomalie que la machine nécessite qu'on s'occupe d'elle. Aussi un opérateur peut-il s'occuper de plusieurs machines, ce qui permet d'accroître considérablement l'efficacité de la production.
Les gaspillages sont indissociables du Lean. On fait très vite connaissance avec les sept "muda" et si ceux-ci représentent des potentiels de gains appréciables, ils ne forment qu’une des trois familles de gaspillages. Les deux autres sont les "muri" (surcharges ou déraisonnable) et les "mura" (la variabilité).
Au sommaire
Les Muda, les gaspillages les plus facilement identifiables et les plus connus
Les Muri, représentent les excès, le déraisonnable
Probablement les plus populaires parce que les plus connus et les plus facilement appréhendables, les muda sont au nombre de sept :
Gaspillages provenant de la surproduction
Gaspillages provenant des temps d'attente
Gaspillages occasionnés par les transports
Gaspillages dus aux stocks inutiles
Gaspillages dans les processus de fabrication
Mouvements inutiles
Gaspillages dus aux pièces défectueuses
Les sept types de gaspillages sont couramment appelés de leur nom japonais « muda », ce terme étant passé dans le langage commun des industriels. Les muda sont faciles à comprendre et relativement faciles à identifier par l’observation. La chasse aux muda est devenue une activité régulière, parfois même populaire dans les entreprises. Source : Lean Management
MURI
L’expression populaire "écraser une mouche avec un marteau pilon » traduit bien la notion de muri ; l’emploi de moyens surdimensionnés ou excessifs par rapport au besoin ou au résultat escompté. (.../...) Ainsi, immobiliser des caisses palettes de grande contenance pour stocker quelques petites pièces légères est un muri, le besoin de stockage pouvant être résolu avec des moyens moins coûteux unitairement et qui nécessitent de moindres moyens pour être déplacés ; portage manuel ou petit chariot au lieu de tire-palettes, voire recours au chariot élévateur. (.../...)
Muri c’est également la surcharge physique, la pénibilité, l’exposition au stress mental, qui conduisent à gaspiller l’énergie, la santé, le capital humain.
Quelques indices permettent de détecter ces muri :
Les postures au travail, notamment en extension ou le buste penché, le dos courbé, la tête penchée, les rotations du buste, s’accroupir, etc.
La variabilité peut prendre des aspects multiples ; niveaux de remplissage de bouteilles différents, longueur de coupe qui varie, nuances de couleur entre peintures successives, etc. Les caractéristiques physiques d’une matière première peuvent varier dans le temps ou en fonction des différents lots approvisionnés ; quantité, poids, longueur, texture, dureté, élasticité, etc. Les réglages d’une machine peuvent varier dans le temps, les pratiques et gestes humains peuvent varier d’une personne à une autre et au fil d’une journée. Les sources de variabilité sont innombrables et ces variabilités engendrent des gaspillages.
L’industrie cherche depuis toujours à réduire la variabilité au travers de standards, de la répétabilité et de la reproductivité des moyens de mesure, de la capabilité des moyens de production. Les variations et instabilités sont nuisibles parce qu’elles écartent les caractéristiques des standards définis ; ce que l’on obtient n’est pas tout à fait ce qui était prévu ni dans les temps ou les coûts définis.
Voir une illustration des effets de la variabilité par une >étude de cas<
MURA
Les à-coups, les ruptures de rythme, conduisent souvent à installer des "buffers", des stocks tampons afin de lisser les flux irréguliers. Cette acceptation revient à créer des MURI et des MUDA. L'approche japonaise cherche à éliminer les causes des irrégularités et non à les masquer. En diminuant graduellement la taille des stocks tampon, on révèle les causes des irrégularités
et on s'attache alors à les éliminer. L'idée de base et que tout flux de production doit s'écouler harmonieusement comme une rivière. Si des obstacles encombrent son cours, il faut retirer les obstacles et non pas rajouter de l'eau.
L'interpénétration, la simultanéité ou l'enchaînenement Mura, Muri, Muda
Les gaspillages se présentent sous trois formes ; Mura, Muri et Muda, qui sont parfois difficiles à discerner les unes des autres. En effet, certains gaspillages semblent à la fois relever des sept types de Muda mais pourraient être considérés comme une forme de Mura (variabilité), d’autres entraînent des discussions sur leur essence plutôt Muri (excès) ou Muda, et ainsi de suite, dans toutes les combinaisons qu’autorisent les trois types de gaspillages, comme le montre le schéma ci-contre.
On peut également expérimenter un enchainement ou chaine de conséquences débutant par la variabilité de la demande en aval - généralement de la part du client (processus en aval ou client consommateur) - Mura qui se répercute par une forte demande ponctuelle que le fournisseur tente de satisfaire, acceptant ainsi une surcharge Muri, qui elle même génère une série de Muda. Ce phénomène est connu comme effet Forrester.
La notion de gaspillages en vidéo
En guise de conclusion
L’identification des gaspillages n’est pas évidente avant d’avoir été sensibilisé à leur existence et à leurs différentes natures.
L’important n’est pas la classification canonique des gaspillages, mais leur détection, leur traitement et idéalement leur éradication !
Mise à jour le Dimanche, 17 Septembre 2017 16:54
Muri, mura et muda, les familles de gaspillages selon Lean
Pour expliquer les familles de gaspillages selon Lean que sont muri, mura et muda, je reprends une illustration de mon livre "Lean Management" et la transforme en animation pédagogique.
Le père fondateur du Toyota Production System, Taiichi Ohno expliqua le but poursuivi : "réduire la durée entre le moment où le client passe commande et le moment ou nous collectons le paiement. Nous réduisons cette durée en supprimant les gaspillages".
Les gaspillages
Les gaspillages cités sont les activités sans valeur ajoutée, qui consomment des ressources sans ajouter aucune valeur au produit. Une analyse scrupuleuse a révélé trois familles de gaspillages (Muda, Mura, Muri), dont la plus connue est celle des muda, qui compte originellement 7 types :
Gaspillages provenant de la surproduction
Gaspillages provenant des temps d'attente
Gaspillages occasionnés par les transports
Gaspillages dus aux stocks inutiles
Gaspillages dans les processus de fabrication
Mouvements inutiles
Gaspillages dus aux pièces défectueuses
Auxquels il est systématiquement ajouté un 8è : le gaspillage du capital humain, c'est à dire le cantonnement des personnels dans des rôles d'exécution, sans les solliciter pour améliorer, innover, etc.
Pourquoi se focaliser sur les gaspillages ?
La question n'est pas insensée : pourquoi chasser des gaspillages plutôt que d'ajouter de la valeur aux produits/services ?
Les ajouts de valeur requièrent des analyses et approches préalables — comme la conception à l’écoute du marché (CEM) — afin de développer des services ou des fonctionnalités que le client sera effectivement prêt à payer. De multiples échecs commerciaux sont dus à l’inadéquation de l’offre à la demande ou à l’indifférence des clients vis-à-vis d’un produit ou d’un service que ses promoteurs trouvaient particulièrement innovant ou performant. Même en prenant des précautions au travers d’enquêtes et de tests, des risques subsistent quant à l’acceptation effective des nouveaux services ou nouvelles fonctionnalités par la clientèle.
En outre, le levier de l’innovation et de l’enrichissement de l’offre reste réservé à un petit nombre de spécialistes, alors que les gaspillages dans les processus se trouvent partout et sont attaquables par virtuellement n’importe qui.
Dans le domaine de la production, les opérations à valeur ajoutée sont souvent déjà optimisées, sinon améliorées :
temps de cycle
rendement matière
temps de main d'oeuvre
taux de rebuts
etc.
Les tâches à non-valeur ajoutée restent la plupart du temps ignorées alors qu'elles en représentent la plus grande proportion. La proportion de 1 à 2 % du temps à valeur ajoutée sur le temps de séjour total en atelier parait extrêmement faible, mais c'est bien une réalité.
Ci-dessous les résultats du suivi d'une pièce dans un atelier de pièces mécaniques.
Le temps de séjour total dans l'atelier est de 25 jours.
Durant ce temps, la pièce subit 14 transformations à valeur ajoutée durant un temps cumulé de 0,2 jours, ce qui donne un rapport temps à valeur ajoutée/temps total de l'ordre de 1%. Le complément du temps est passé en attente et 84 manipulations, prises, déposes, déplacements. Cette pièce, avec ses soeurs du même lot parcoure 1,82 km au sein de l'atelier, avant de le quitter.
La question initiale se résume dans ce cas à trouver à ajouter du temps à valeur ajouté :
usiner davantage ?
polir la pièce, alors que cela n'a aucun intérêt technique ?
usiner plus rapidement ?
Le champs des gaspillages exprimé en temps représente près de 99% du total, un gisement plus facile à exploiter. D'autant que ceci n'est qu'un échantillon des gaspillages constatés en suivant la pièce dans son périple.
L’élimination des gaspillages conduit mécaniquement à l’amélioration des performances, à plus de satisfaction des clients en termes de qualité, de délais plus courts, d’une meilleure réactivité et d’un prix compétitif, ce qui renforce l’attractivité de l’offre existante. Ces caractéristiques doivent naturellement doper les ventes et par conséquent les revenus de l’entreprise.
La chasse aux gaspillages n’est donc pas une activité marginale que l’on réserve aux périodes de sous-charge mais bien un moyen offensif pour améliorer la position concurrentielle et, in fine, la croissance de l’entreprise.
Ne pas se tromper de cible
La vidéo ci-dessous rappelle qu'il faut bien cibler le périmètre des améliorations et ne pas se tromper de cible.
Bibliographie
"The Toyota Way Fieldbook: A Practical Guide For Implementing Toyota's 4Ps", Jeffrey LIKER, David MEIER
La métaphore de la rivière est un classique du Lean pour expliquer l'approche raisonnée qu'il faut avoir en matière de réduction des stocks.
Lors de la formation Lean Management que j'ai animée le 20 novembre 2015, les participants ne connaissaient pas ou souhaitaient un rappel sur cette métaphore.
Lean Thinking est le titre du livre de James P. WOMACK et Daniel T. JONES
Le lien "philosophique" fait avec les techniques opérationnelles du Lean, qui prévalaient jusque là, marque la transition entre l’âge des outils et l’âge du management.
Les auteurs y développent les cinq étapes fondamentales d'une démarche lean :
James P. WOMACK et Daniel T. JONES, "LEAN THINKING: Banish Waste and Create Wealth in Your Corporation", Simon & Schuster 2003 (deuxième édition). Le titre de l’édition française est Système Lean: penser l'entreprise au plus juste.
1. Définir la valeur
Pour définir ce qu'est la valeur, il faut adopter le point de vue du client et se poser la question : Pour quoi (pourquoi ?) est-il prêt à payer ? Réponse : Pour satisfaire un besoin. Rien que ce besoin.
Aucun client (s'il savait) n'accepterait de payer le surcoût des produits et/ou services qu'il achète pour compenser l'inefficience, les gaspillages et ratés de son fournisseur. Il n'est pas forcément à payer pour une option ou un service additionnel qu'il n'a pas sollicité ou dont il n'a aucun besoin. Développer ces suppléments est une forme de gaspillage, car ils peuvent faire détourner les clients potentiels vers des offres concurrentes mieux en ligne avec leurs désirs.
2. Identifier le flux de valeur
Identifier la chaîne de la valeur dans l'entreprise, c'est identifier les processus mis en oeuvre, les enchaînements des diverses tâches et opérations servant à l'élaboration du produit ou du service, tel qu'attendu par le client en vertu de sa définition de la valeur.
Or toute activité subit des aléas, des dysfonctionnements et des problèmes. Elle est fatalement entâchée de gaspillages, qui ne créent pas de la valeur ajoutée mais sont consommateurs de ressources qui ralentissent les flux et génèrent des coûts supplémentaires.
L'outil-roi pour cette analyse est le VSM (Value Stream Mapping), encore appelé MIFA (Material and Information Flow Analysis)
Identifier les opérations à valeur ajoutée c'est également identifier les opérations à non-valeur ajoutée, qui au sens du lean thinking ne sont que des gaspillages. Ces gaspillages vont focaliser toutes les attentions car les gaspillages sont des gains potentiels que l'on réalise si on les supprime !
Retrouvez tous les principes Lean énoncés par les pionniers, mis en perspective et commentés.
Une rivière au cours rectiligne s'écoule plus vite qu'une rivière avec de nombreuses méandres. L'eau de la rivière
s'écoule plus vite dans un lit sans obstacles que dans un lit encombré de rochers, de troncs et autres débris.
De la même manière, un flux de production ou un flux administratif s'écoulera plus facilement dans un processus
rectiligne, sans boucles et sans obstacles.
Favoriser l'écoulement du flux c'est s'assurer que les opérations créatrices de valeur s'enchainent
sans interruption le long du processus, que les produits porteurs de cette valeur ne subissent pas d'attentes ni de
retours en arrière, ni circulation erratique.
4. Tirer les flux
Dans l'économie de pénurie, les producteurs poussaient leur production vers le marché, indépendamment
des désirs et attentes des clients. Les besoins à couvrir étaient tels que les clients prêts à se contenter des
produits offerts représentaient un marché insatiable.
Depuis le basculement dans l'économie de l'offre, le marché très
concurrentiel est saturé, les clients choisissent avec soin et "tirent" la demande. Désormais on ne peut plus
économiquement pousser la production vers le marché et attendre le chaland, mais il faut attendre une sollicitation de
la part du client et produire exactement selon ses voeux, afin d'être sûr de vendre.
Tirer les flux signifie produire des biens ou des services que si le client l'a explicitement demandé.
5. Viser la perfection
Une fois la dynamique de la transformation lancée, les opportunités d'éliminer de nouveaux gaspillages
se dégagent chemin faisant, de nouvelles idées d'amélioration émergent. On rentre ainsi dans les cycles vertueux du progrès permanent, qu'il faut néanmoins s'employer à pérenniser.
Les nombreux retours d’expérience ont montré que le succès dans un déploiement Lean ne tient pas qu’à une boite à outils bien pourvue mais également et avant tout au système qui met ces outils en œuvre. Le management constitue une des composantes fondamentales de ce système.
En effet, la masse de connaissances, d’informations, de publications et les accompagnements disponibles n’ont pas suffit à dupliquer les succès des entreprises pionnières, preuve que le simple copier-coller et la mise en œuvre mécaniste des outils et méthodes ne peuvent produire les résultats attendus.
La compréhension de cette "autre dimension" permet de sortir de l’âge des outils pour entrer dans l’âge du management, dans lequel la compréhension, l’acceptation, puis l’attitude des individus représentent les clés du succès. Il ne s’agit plus de mettre en œuvre des techniques dans le contexte habituel de l’entreprise, mais de transformer – au sens littéral - l’entreprise et ses employés.
Pour en savoir, rendez-vous sur le portail dédié en cliquant ce >lien<
Le principe des Flux tirés expliqués à l’aide de mouchoirs jetables.
Si j’ai besoin d’un mouchoir, je vais vers la boite et tire un mouchoir, l’utilise puis le jette.
Si la boite est vide ou presque vide, je me rends à l’hypermarché et achète une nouvelle boite, qui recomplète mon stock domestique.
Lorsque de nombreux clients auront pris des boites dans le rayon de l’hypermarché, le chef de rayon le remplira à nouveau à partir de son stock dans les réserves.
S’il commence à manquer de stock, il commandera des boites de mouchoirs à sa centrale d’achat, qui selon ses propres stocks en commandera ou non au fabricant.
C’est un flux tiré, car c’est la demande ou l’utilisation qui conditionne le transfert des mouchoirs et boites de mouchoirs, autrement dit le flux, le long de la chaîne d’approvisionnement (la Supply Chain pour les plus avancés des lecteurs).
Voici maintenant ce qui arriverait si ce flux était poussé : Les mouchoirs quitteraient leur boite pour venir vers moi, indépendamment de mes besoins
(Si l’idée que les mouchoirs vivent leurs propre vie et se déplacent librement vous gène, imaginons que ce soit mon épouse qui prise d’une crise de démence me poursuit pour me moucher de force).
Indépendamment du nombre de mouchoirs ou de boites de mouchoirs à ma disposition, l’hypermarché livrerait devant ma porte des palettes entières de mouchoirs.
Le livreur pose des palettes complètes, car c’est plus rationnel pour lui. Il le ferait le jour et à l’heure qui l’arrange lui. Il se fiche du client, il n’est qu’un maillon du flux poussé.
Le fabricant de mouchoirs ferait de même avec l’hypermarché. Pour que ce soit rationnel et économiquement le plus rentable pour lui, il livrerait la quantité annuelle en une seule fois, ce qui accessoirement génèrerait un bouchon de quelques kilomètres à cause des camions en attente de déchargement.
L’hypermarché n’aurait d’autre choix que de condamner une bonne partie de son parking pour stocker les mouchoirs.
Comme le gestionnaire des stocks ne tient pas à ce que les mouchoirs prennent la pluie sur le parking, ni priver les clients de place, il charge ses livreurs de poser rapidement des palettes complètes chez les particuliers et les hôtesses de caisse à mettre d’office une boite dans le chariot de leurs clients.
On a toujours besoin de mouchoirs chez soi.
Si.
Voilà pourquoi généralement les clients préfèrent les flux tirés.
Le tuyau de Gramdi est une métaphore d'un processus défaillant qui nécessite l'application en synergie des principes de la Théorie des Contraintes, de Lean et de Six Sigma.
Ce tuyau est l'invention de José Gramdi, enseignant chercheur à l'Université Technologique de Troyes (UTT).
Je l'ai intégré dans mon livre Lean Management et utilise opportunément cette métaphore dans mes formations ou missions de conseil.