Après plusieurs décennies de diffusion de méthodes et bonnes pratiques, parmi lesquelles la TPM figurait en bonne position, on s’attend à constater dans les entreprises une coopération entre services, chacun contribuant à la performance globale des processus gérés de manière transversale.
Or le constat est bien souvent différent. Si dans certains cas une réelle collaboration fructueuse s'est mise en place, dans bien des entreprises les relations entre les services Production et Maintenance restent teintées d’oppositions, de reproches réciproques et de ressentiment.
Production vers la Maintenance
La Production soumise à l’incessante pression sur les résultats et la recherche de productivité reproche à la Maintenance de ne pas jouer son rôle de fournisseur dévoué, corvéable et taillable à merci que les discours lui présentent.
Les services de production ont toujours été la cible des plans de progrès, de la recherche de productivité.
Les résultats obtenus sur leurs propres périmètres font que les personnels de production sont plus intolérants au manque de performance de leurs collègues des autres services et les gisements d’amélioration restants se situent désormais le plus souvent aux interfaces avec les autres services, comme par exemple :
- Achats : prendre en compte les coûts complets, notamment l’impact de la qualité,
- Approvisionnements : limiter les ruptures, améliorer la préparation et la mise à disposition,
- Planification : agréger les ordres pour obtenir des gains d’échelle, stabiliser les plannings sur des horizons plus longs,
- Méthodes : simplifier les gammes, améliorer les outils,
- Bureau d’études : améliorer la fabricabilité, simplifier les solutions techniques mises en œuvre,
- Expéditions : prévenir plus tôt des lots à livrer et stabiliser les demandes,
- Maintenance : intervenir plus rapidement et immobiliser le moins longtemps possible les équipements
Pour autant, la pression sur la production ne se relâche pas. Dans un contexte de recherche de productivité plus difficile, - les gains faciles ayant déjà été engrangés - la tentation de la production est d’utiliser les relevés de pannes et de temps d’arrêt, les rapports sur les dysfonctionnements mal ou non résolus pour se disculper lors de périodes de sous performances et se défausser ainsi, à tort ou à raison, sur la Maintenance.
Les griefs se résument dans l’opinion que les personnels de production se font des agents de maintenance :
- "jamais disponibles",
-
"invisibles",
- "pas joignables",
- des délais d’intervention trop longs
- pas d’information sur la fin de l’intervention
- etc.
Maintenance vers la Production
Le service Maintenance de son côté déclare crouler sous les demandes d’interventions et les bons de travaux, systématiquement déclarés comme urgents et importants, ingérables avec les ressources de plus en plus limitées qui lui sont consenties.
Les interventions des agents ne peuvent se faire dans de bonnes conditions, tant les agents de maîtrise ou les responsables de production, obsédés par la perte de temps et la reprise de la production, les pressent de faire au plus vite.
Par ailleurs, les agents de maintenance reprochent aux opérateurs de production leur négligence et le manque de respect pour les machines qui leur sont confiées.
Les plannings d’interventions planifiées sont rarement tenus, les créneaux horaires réservés à la maintenance souvent remis ou raccourcis pour raison de commandes urgentes ou de retards de production. Le client étant roi, les impératifs de la production l’emportent systématiquement. La maintenance n’a plus qu’à s’en accommoder.
La direction ne tranche pas
Chacun campant sur ses positions, la direction générale est habituellement sollicitée comme juge de paix. Or celle-ci n’a pas la compétence technique pour trancher et/ou ne souhaite pas trancher.
Sans réellement rechercher de solution gagnant-gagnant, ni résoudre les causes profondes de l’opposition des services, la plupart des directions se contentent d’arbitrer les priorités au cours de réunions périodiques, que certains qualifient sans rire de "réunions de gestion des urgences".
Le problème de cette manière de procéder est double :
- la fréquence des réunions de gestion des urgences est incompatibles avec la nature même des urgences, on y débat donc de « fausses urgences »,
- ce procédé alimente, voire légitime les luttes d’influence, sans rien résoudre.
Si ce jeu de pouvoir est de nature à contenter certains ego, il est catastrophique pour la performance, générant des pertes de temps et amplifiant les gaspillages.
Les urgences des uns ne sont pas les urgences des autres
Le nombre de demandes de travaux arrivant à la maintenance et couvrant le plus souvent un périmètre plus vaste que celui de la seule production, est tel que tout logiquement le responsable maintenance établit les priorités, fondées sur des critères d’urgence et d’importance.
Or les priorités du responsable maintenance ne sont pas forcément celles du responsable de la production ou d’un responsable de ligne.
C’est ainsi qu’une intervention urgente et importante demandée par un service production sera jugée comme étant d’une priorité faible par le responsable maintenance, au vu des autres demandes. Il en résulte - avec le jeu des urgences qui se chassent les unes les autres - que cette intervention tant attendue par la production demeure un certain temps dans le lot des tâches secondaires par la maintenance et continuellement repoussée à plus tard. La production continue à souffrir du problème et constate que l’assistance sollicitée ne vient pas.
Notons qu’en la matière, les efforts de communication et d’explications faits par la maintenance ne sont pas toujours récompensés ; le service de production "victime" restant le plus souvent buté sur ses propres problèmes et peu solidaire des autres services.
C’est ainsi que tout en s’acquittant au mieux de ses tâches prioritaires, le service maintenance reste la cible des critiques de la production.
Des interventions sous le niveau d’expertise
Pour tenter de vérifier ou d’infirmer objectivement ces critiques, il suffit d’analyser les bons de travaux et d’interventions. Le plus souvent, cette analyse montre que le service maintenance est sollicité pour des tâches et pour résoudre des problèmes en deçà des compétences et des expertises de ses agents : échange de joints, d’ampoules ou tubes fluorescents, problèmes de réglages mal identifiés, etc. Autant de petites interventions qui ne nécessitent pas de qualifications importantes.
Autrefois, on aurait pu résoudre ce gaspillage de talents en renforçant l’équipe maintenance de "petites mains"», des personnels peu qualifiés prenant en charge les petits travaux ne requerrant aucune expertise, mais coûteux en temps.
Le paradoxe de la recherche de performance est que les effectifs diminuent, les besoins de qualifications s’élèvent et les tâches simples restent en plan !
Désormais, avec la pression sur les réductions de coûts et la recherche de performance, ce genre de poste tend à disparaître alors même que le besoin d’expertise des effectifs restants s’accroît : électronique, automatisme, informatique industrielle, etc.
Ces personnels, de plus en plus qualifiés et conscients de leur valeur, rechignent à "s’abaisser" à des occupations ne relevant pas de leur niveau.
De fait, les tâches simples tardent à être exécutées, quand elles ne restent pas tout bonnement sans réponse.
Fort de ces différents constats, il est étonnant que les responsables n’utilisent pas les bénéfices des méthodes participatives et qualifiantes, telle que la TPM.
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