Christian HOHMANN

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Accueil Portail Maintenance Productive Les défis de la maintenance Intelligence artificielle, maintenance prévisionnelle et capacité de réaction

Intelligence artificielle, maintenance prévisionnelle et capacité de réaction

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Les promoteurs des technologies et concepts d’Industrie 4.0, certains emportés par leur enthousiasme, d’autres ignorants des réalités et d’autres encore bien au fait des réalités, occultent volontairement ou non certaines hypothèses et prérequis aux avantages qu’ils vantent. Ainsi la maintenance prévisionnelle (souvent improprement traduite de l’anglais en maintenance prédictive) est appelée à fortement améliorer la disponibilité des moyens, grâce à l’intelligence artificielle. C’est très vraisemblable, à condition toutefois que les prérequis soient en place.

Cet article est en partie inspiré du rapport “Intelligence artificielle et travail” de France Stratégie, publié en mars 2018 et librement accessible à cette adresse :

https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-intelligence-artificielle-28-mars-2018_0.pdf

On y lit dans un paragraphe titré “Maintenance des équipements et des chaînes de production” :

“De nombreux capteurs industriels mesurent déjà les points d’usure du matériel ou équipent les points de contrôle sur les chaînes de production. La réduction des coûts de ces capteurs autorise la collecte de données massives. L’intelligence artificielle permet ici de traiter ces données à plus grande échelle qu’un traitement humain et donc de multiplier les points de contrôle, tout en affinant le diagnostic découlant de l’analyse de ces données. On peut ainsi d’une part disposer d’outils de diagnostic intelligents qui facilitent les opérations de maintenance et, d’autre part, élaborer des indicateurs préalables à l’apparition d’anomalies, ce qui ouvre la voie à une maintenance non plus préventive mais prédictive. Les opérations de maintenance et de contrôle ne sont réalisées que lorsque nécessaire, avant même la survenue d’une anomalie qui viendrait bloquer une chaîne de production ou l’usage d’un matériel.”

Raccourci potentiellement trompeur

Le premier raccourci potentiellement trompeur que je note concerne “la réduction des coûts de ces capteurs autorise la collecte de données massives”.

Ce n’est pas la réduction des coûts de ces capteurs elle-même qui autorise la collecte de données massives mais la multiplication des capteurs à prix plus faible installés sur les équipement. Cela n’est pas nécessairement vrai pour tout type de capteurs et la multiplication d’un même type de capteur, sous prétexte que le prix à l’unité a chuté, ne fait pas nécessairement sens et n'entraîne pas nécessairement une amélioration du diagnostic prévisionnel.

Ensuite, cette hypothèse est plus vraisemblable lorsqu’il s’agit de matériels neufs équipés d’origine des capteurs adéquats et d’une interface de premier niveau. Les coûts pour des équipements plus anciens en service et qu’il faut retrofiter pour les amener au même niveau de prévisibilité peuvent être dissuasifs au vu du retour sur investissement.

Ces quelques précisions quant aux conditions nécessaires à la validation rationnelle de l’hypothèse en réduit le champ d’application et devrait quelque peu tempérer les enthousiasmes technophiles.

Des conditions nécessaires préalables

Ma seconde réserve concerne le passage d’une maintenance préventive à celle dite “prédictive”, prévisionnelle en réalité, et les opérations de maintenance et de contrôle qui seraient réalisées uniquement lorsqu’elles sont nécessaires, et avant même “la survenue d’une anomalie qui viendrait bloquer une chaîne de production ou l’usage d’un matériel.”

Que le traitement de données massives par une intelligence artificielle soit en mesure de “prédire”, c’est à dire indiquer une forte probabilité de survenue d’une anomalie ne fait pas de doutes, mais pour que l’intervention soit réalisée avant que l’anomalie survienne effectivement, il y a un nombre de conditions nécessaires préalables à assurer.

Parmi celles-ci on trouve la disponibilité des pièces de rechange ou un délai suffisant pour en assurer l’approvisionnement avant la survenue de l’anomalie. Or bien que des méthodes prévisionnelles préexistaient l’intelligence artificielle, il n’est pas rare que les pièces de rechange, sacrifiées sur l’autel de la réduction des coûts ou de l’incompétence managériale des responsables, soient manquantes pour mener l’intervention préventive.

Selon le cas, la panne redoutée se produisait ou pas.

Et lorsque la rationalisation économique pousse à approvisionner les pièces de rechange au besoin, encore faut-il que les délais d’approvisionnement soient compatibles avec une politique de maintenance prévisionnelle.

Pourquoi en serait-il autrement avec une multitude de capteurs et une intelligence artificielle pour en analyser les données ? La capacité de réaction sera-t-elle à la hauteur de l’amélioration de la prévisibilité ?

Conclusion

Avec ces deux exemples d’analyse critique de l’argumentation présentée, on voit que les avantages et bénéfices vantés des “nouvelles technologies” bien que vraisemblables ne sont en rien automatiques.

Pour que les entreprises profitent des avantages et en retirent les bénéfices escomptés, il leur est nécessaire de s’assurer que les cas d’usage s’appliquent effectivement à leur situation d’une part et que les prérequis à l’exploitation des solutions nouvelles sont / seront en place d’autre part.

Ce dernier point explique la multiplication des audits de maturité proposés par les sociétés de conseil, afin justement de vérifier que la transformation numérique soit effective et ne se résume pas qu’à une simple digitalisation.

Lire à ce sujet : Transformation numérique vs numérisation et Promesses d’Industrie 4.0: conservez votre sens critique !


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Mise à jour le Samedi, 22 Décembre 2018 15:48  

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