Observer la tenue d’un lieu sous l’angle des 5S est très souvent révélateur d’un état d’esprit des occupants et des propriétaires, de leur rigueur et du respect qu’ils témoignent aux autres.
Client, je me sens offensé
La situation suivante date du dimanche 1er décembre 2013, dans un grand centre commercial parisien.
C’est une annexe d’une cafétéria qui se veut cosy et qui reprend le concept de bar à café américain. Comptoirs richement garnis, fauteuils club en simili cuir et banquettes de velours.
Cependant, de la réalité visible à l’ambition que l’on devine, le chemin semble encore bien long !
L’état des fauteuils laisse perplexe. Pas un qui ne soit lacéré, l’assise littéralement explosée, laissant apparaître le rembourrage dont la couleur contraste fortement avec celle du “cuir” (photos).
Cet état, qui ne doit pas dater de la veille au soir, m'apparaît comme un profond manque de respect du management envers la clientèle et envers les employés.
Sauf à être miséreux, accueillerait-on des invités chez soi pour leur proposer de prendre place dans des fauteuils aussi dégradés ? Probablement pas. Notre image d’hôte et notre amour-propre nous pousseraient à remédier d’une manière ou d’une autre à une telle situation.
Pourquoi alors doit-on, en tant que client payant, accepter de s’asseoir dans des sièges aussi peu engageants ?
Cette situation dégradée, qui est visiblement acceptée par le management, amène un doute ; est-elle représentative d’autres tolérances moins visibles, comme par exemple la discipline et la rigueur concernant l’hygiène en cuisine, la fraîcheur des mets ou la qualité des ingrédients ?
Tout client, que ce soit un particulier faisant son shoping ou un professionnel négociant un contrat d’importance, jauge son fournisseur à l’aune des premiers signes apparents. Si ceux-ci sont de nature à mettre en alerte ou à faire douter de la qualité des produits et/ou services, l’affaire s’engage mal.
Les clients professionnels sérieux exigent toujours de visiter les locaux de leurs fournisseurs, voire mènent de véritables audits de qualification.
Dès lors, sauf à ne pas s’en émouvoir (comprenez s’en moquer), comment peut-on laisser en place des dégradations aussi apparentes et dévalorisantes que celles de ces fauteuils ?
On peut supposer que c’est un pari ; qu’il y aura bien assez de clients suffisamment conciliants pour s’accommoder de ce qui leur est offert et pour maintenir la rentabilité, sans avoir à remplacer le mobilier dégradé.
C’est alors ignorer les effets négatifs collatéraux potentiels :
- “filtrage” de la clientèle ; ne viendront que les consommateurs qui s'accommodent de l’état des lieux. Est-ce bien cette clientèle qui est désirée ?
- Impact sur l’image du groupe de restauration
- Impact sur l’image du centre commercial
- Signe maladroit envers les employés qui voient que le management est “coulant” sur certaines choses et qui interprète ce signe à leur manière
- Les dégradations auxquelles on ne remédient pas sont des invitations à en perpétrer d’autres, à ne pas respecter le matériel, les lieux, etc.
A propos de ce dernier point, les municipalités savent bien que ne pas réagir rapidement pour effacer des tags, ramasser des dépôts d’ordures sauvages ou réparer le mobilier urbain dégradé est une invitation à faire de même ; jeter les détritus n’importe où, s’autoriser des gribouillages, etc.
A l’inverse, montrer l’intolérance au manque de discipline et aux dégradations est un signe fort d’autorité (ne serait-ce que morale) et de respect. Cette posture force par le même effet de mimétisme un respect en retour.
Par ailleurs, les vandales ne prennent généralement pas de risques à dégrader quelque chose qui serait immédiatement visible et qui risquerait de les désigner comme coupables, alors que dans un environnement dégradé, une déprédation de plus passe plus aisément inaperçue.
Pour ne pas accabler le management de la cafétéria, notons qu’il est possible que le mobilier choisi, éventuellement par une centrale d’achats ou une fonction centrale du groupe, ne soit pas compatible avec un usage intensif. Dans un tel cas, le management local est lui-même victime de décisions prises ailleurs, par d’autres.
Hélais pour lui, aux yeux des clients suffisamment attentifs et exigeants, qui ignorent ce qui se passe en coulisse, cela ne change absolument rien.
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