Alors qu’autrefois, le service entretien nécessitait essentiellement de bons "techniciens" débrouillards, la fonction maintenance tend à se professionnaliser sous la pression des nombreuses contraintes qui affectent l’entreprise ou le service maintenance directement.
Contraintes réglementaires
Les diverses habilitations nécessaires pour intervenir sur des installations électriques, des dispositifs sous pression, dans des zones à accès restreint etc. sont quelques exemples du mille-feuille de contraintes réglementaires qu’il faut désormais intégrer.
Ces habilitations et leur maintien ayant un coût, le nombre de personnels qui en bénéficient se réduit. Il va de soi que les plus motivés et les plus compétents sont le plus souvent privilégiés pour accéder à des habilitations et formations, creusant ainsi un écart entre les « bons » et les autres, entre ceux qui voient leur employabilité se maintenir et ceux qui la voient s’éroder.
Dans le même ordre d’idées, l’évolution des équipements, la part croissante d’automatismes et d’informatique dont ils sont dotés nécessite une mise à jour des connaissances et compétences de plus en plus fréquente.
Ces diverses évolutions restreignent l’accès aux métiers de la maintenance aux personnels qui n’ont pas suivi un cursus spécifique et/ou n’ont pas bénéficiés de formations complémentaires de maintien des compétences.
Dans un nombre croissant de cas se pose la question de la capacité d’évolution des personnels en poste pour d’une part maintenir leur employabilité et d’autre part la qualité de service attendue.
Pour les responsables et pour les dirigeants se pose le dilemme entre l’investissement incertain dans la formation des personnels en poste et le recrutement de personnels formés et « à jour ».
Hygiène, sécurité et environnement
Si les contraintes ne sont pas imposées par les réglementations, elles peuvent l’être par les normes et référentiels auxquels les entreprises souscrivent ; ISO 14001, OSHAS 18001, politique de groupe, etc.
Le port des EPI (Equipement de Protection Individuelle) et le respect strict des consignes s’imposent théoriquement aux agents. Elles ne s’imposent réellement que si leur hiérarchie se montre pointilleuse et exemplaire en la matière.
Les déchets et effluents doivent être retenus, recyclés ou détruits dans des circuits définis et selon des modalités précises.
La traçabilité des opérations de maintenance tend elle aussi à se généraliser, afin de pouvoir remonter aux causes des dysfonctionnements, des pollutions ou des interventions à risques.
L’ensemble de ces contraintes est souvent mal perçu des personnels anciens dans la fonction maintenance, qui par le passé jouissaient d’une grande autonomie et étaient soumis à peu de contrôles.
Contraintes économiques
La pression continue sur les coûts que subissent les entreprises a tôt fait de se répercuter sur leurs services maintenances. Il ne suffit plus aux responsables maintenance de noter la succession de leurs dépenses, mais il leur faut gérer un budget, lequel n’est plus une justification des dépenses, mais devient un instrument de pilotage.
Il est également de plus en plus courant que les achats liés à la maintenance soient repris par le service Achats, avec des fortunes diverses.
En effet, il est notoire que les techniciens privilégient la technologie ou une marque par rapport au prix, tandis que les acheteurs tendent à privilégier le prix au regard d’une fonctionnalité attendue.
Les exemples de dérives des deux postures sont légions.
Les acheteurs s’insurgent de l’incurie des techniciens qui achètent par habitude, confort ou intérêt auprès d’un même fournisseur, qui en retour pourra se montrer généreux en calendriers, objets publicitaires ou autres cadeaux.
Les techniciens se plaignent régulièrement de la piètre qualité des pièces achetées par le service achat, qui n’ayant aucune connaissance technique a acheté un prix plutôt que de la qualité.
Souvent peu formés aux pratiques des achats, les responsables maintenance se sentent dépossédés d’une partie de leurs prérogatives (choix des fournisseurs, « négociations », passation des commandes en direct…). Contraints de se plier aux procédures, la part administrative de gestion leur pèse d’autant que la disparition graduelle des secrétaires ou assistantes dans ces services met ces techniciens directement face à des outils informatique (et) de gestion.
Les pressions et contraintes économiques obligent également les responsables maintenance à revoir le dimensionnement de leurs effectifs, alors que la charge de travail semble sans cesse croissante.
Peu au fait des méthodologies, outils et techniques qui leur permettraient de gérer leur service différemment, ils n’entrevoient de solutions que dans l’augmentation des effectifs, qui leur sont refusés, le maintien des effectifs que l’on cherche à leur faire réduire ou le recours aux heures supplémentaires et à la sous-traitance qui se heurtent au veto du contrôle de gestion.
Au final c’est bien souvent la maintenance préventive qui en fait les frais, c’est à son détriment que les objectifs sont atteint et les contraintes respectées.
En conclusion
Les responsables maintenance sont confrontés à des exigences croissantes de gestion et management, compétences que peu des responsables « à l’ancienne » ont réussi à développer. Ces exigences, ainsi que diverses contraintes également en nombre croissant, se superposent à l’exigence de compétence technique, qui demeure une qualité indispensable.
Face à cela, différentes situations émergent :
- Les responsables en poste font de leur mieux, absorbent les critiques et souffrent en silence pendant que l’image du service maintenance ne cesse de se dégrader. La direction générale n’est pas souvent attentive aux causes des manquements et soutient peu ce service, considéré comme un mal nécessaire.
- Les responsables en poste capitulent, démissionnent ou demandent une affectation différente, découragés par cette avalanche de contraintes qui les prive d’une grande partie de l’intérêt technique de la fonction. Ils cèdent également devant la dévalorisation de leur poste et service et le peu de soutien de la direction.
- Les responsables en poste doivent céder leur place à de nouveaux venus, recrutés avec un cursus plus étoffé et dont on attend une aptitude (théorique) à répondre à tous ces défis.
Les agents de maintenance sont quant à eux encore très souvent sensibles à l’expertise métier du chef qui lui confère la légitimité. Pour eux, le chef est « forcément » le meilleur technicien.
Le respect des règles et contraintes nouvelles dépend fortement de la posture du chef. Plus celui-ci sera rigoureux et intransigeant, plus le comportement sera conforme aux attentes. Inversement, plus laxiste le chef et plus déviants les subordonnés.
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