Christian HOHMANN

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ToC versus Lean : Maximiser les revenus ou réduire les dépenses ?

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Parmi les (quelques) éléments qui opposent les approches Théorie des Contraintes (ToC) et Lean, on trouve la posture face au profit, supposé être la finalité de toute organisation à but lucratif. Et si ces postures étaient complémentaires ?


Profit selon Lean

Depuis le basculement de l’économie de pénurie vers l’économie d’abondance, l’équation élémentaire liant prix de vente, coûts et bénéfices s’écrit :

Bénéfices = Prix de vente – coûts, avec des prix de vente majoritairement imposés par le marché.

Cela laisse le seul levier de la maitrise des coûts pour piloter les bénéfices. Dans certains cas (siège dictant les objectifs de profitabilité à ses filiales, par exemple) le bénéfice est un montant imposé, tout comme le prix de vente l’est par le marché. Pour atteindre cet objectif, il ne reste que le seul levier de la maitrise des coûts.

De ce constat procède probablement la tendance à réduire Lean à la seule réduction des coûts.

Les détracteurs font remarquer que rechercher la prospérité pérenne par la réduction des coûts n’a pas de sens, car elle est limitée par une solution triviale : cesser toute activité pour ne plus avoir à supporter de dépenses.

Les pro ToC distinguent le monde des coûts (logique centrée sur la réduction des coûts) et le monde du Throughput.


Profit selon ToC

La Théorie des Contraintes postule que l’existence d’une contrainte limite la capacité du système, de l’entreprise à générer plus de profit. Il convient donc d’identifier la contrainte et d’outrepasser ses limitations. Avec des indicateurs partiellement spécifiques, la ToC propose l’équation suivante :

Profit = ThroughputOperating Expenses (toutes dépenses d’exploitation),

avec Throughput = Produit des ventes – Coûts directement affectables (essentiellement coût des matières).

Le coût des matières étant proportionnel aux ventes et réputé accepté par les clients ( ?), le Throughput peut être « réduit » au produit des ventes.

L’équation se comprend alors sous la forme :

Profit = Ventes - dépenses d’exploitation.

En cohérence avec le postulat de base de la ToC, les ventes sont limitées par une contrainte. Or le levier des ventes est plus intéressant que celui de la réduction des dépenses, car virtuellement illimité :

  • la limite absolue est 100% de parts de marché
  • la démarche reste valide si l'entreprise se positionne sur un nouveau marché

Deux approches diamétralement opposées ?

Selon l’exposé qui précède, ToC et Lean seraient diamétralement opposés. Lean ne se préoccuperait pas d’accroissement des ventes et ToC n’aurait cure de réduire les dépenses.

Lean

L’origine de Lean se trouve au niveau des opérations, de l’atelier de production. La contribution des producteurs à la génération de valeur est forcément de nature opérationnelle, ils exploitent les leviers à leur main afin de :

• Produire sans gaspillages

• Faire bien du premier coup

• Amener les produits plus rapidement chez le client

• Etc.

D’où la focalisation sur l’utilisation efficiente des ressources, et par conséquent de la traque aux gaspillages et des coûts qu’ils entrainent. Une fois les processus épurés de la majorité des gaspillages, l’entreprise « Lean » peut se permettre d’exploiter ses performances pour proposer des offres concurrentielles de manière agressive et exploiter le levier des ventes ;

• Nous livrons plus rapidement

• Nous sommes plus réactifs

• Nous sommes moins chers (mais conservons nos marges)

• Etc.

Les succès des marques japonaises lors de leur conquête des marchés occidentaux dans les années 1970-1990 attestent de la validité de cette stratégie.

ToC

ToC est née dans le milieu scientifique et universitaire puis a pris les traits d’un logiciel avant de devenir une approche d’amélioration continue. ToC est portée par des experts qui dialoguent avant tout avec des décideurs. Ces derniers sont généralement plus intéressés par l’accroissement des ventes que la résolution de problèmes opérationnels en atelier.

Pour autant, la ToC est initialement centrée sur les opérations, comme l’atteste le But, le vecteur initial de sa diffusion et dont l’histoire est celle d’une usine en proie à des difficultés.

Un autre exemple d’origine opérationnel qui finit par utiliser le levier des ventes est celui utilisé par Lisa Lang pour illustrer le concept de mafia offer ou offre irrésistible.


La conjoncture dicte les priorités

1. Effet ciseaux

Les changements en cours dans l’industrie pharmaceutique sont significatifs de la sensibilité des stratégies au contexte et à la conjoncture des entreprises. Dans le secteur pharmaceutique les marges excédaient de très loin les coûts de production, de sorte que l’effet de levier sur des capacités nouvelles était sans commune mesure avec la récupération des capacités gaspillées.

Ainsi, la contrainte n’était pas la capacité de production, aisément augmentable, mais le marché.

Avec l’émergence de concurrents de plus en plus nombreux et agressifs, ainsi que la multiplication des contraintes réglementaires et normatives, les coûts de production augmentent et les marges diminuent. Les gaspillages, auparavant « négligeables », deviennent proportionnellement importants et se révèlent être des gisements de productivité ignorés jusque-là. Inversement, les investissements facilement consentis auparavant sont freinés, voire gelés pour cause de retour sur investissement plus incertain.

Cet exemple illustre une période durant laquelle la « logique ToC » est plus pertinente, suivie d’une période durant laquelle la « logique Lean » va probablement prendre le pas.

2. Quick wins d'abord

La réduction des coûts est fréquemment une priorité "pragmatique" dans la mesure où :

  • Tous les acteurs de l'entreprise peuvent y contribuer
  • Les résultats sont plus rapides que l'(hypothétique ?) augmentation des revenus
  • Stimuler les ventes n'est à la portée que d'une minorité d'acteurs

Il est donc relativement logique de commencer par réduire les dépenses avant ou tout en recherchant à augmenter les revenus. Malheureusement, la réduction des dépenses reste trop souvent la seule initiative engagée et menée. Elle trouve nécessairement ses limites et cela d'autant plus rapidement que des vagues précédentes ont déjà réduit les dépenses les moins utiles. A trop chercher les réductions, on risque de mettre en péril le fonctionnement "normal" et de dégrader les produits et prestations, ce qui risque d'entrainer la dégradation des revenus.


Conclusion

Ce sont des définitions réductrices tant à propos de la ToC que de Lean qui amènent des conclusions fausses ou tronquées. L’opposition apparente des approches ToC et Lean à propos du profit est une erreur de raisonnement qui considère leurs équations respectives toutes choses égales par ailleurs, mais qui n’est pas valide. Il faut en effet prendre en compte les interlocuteurs et acteurs, les leviers à leur disposition et leur horizon, ainsi que la réalité de la compétition, notamment la conjoncture.





Mise à jour le Dimanche, 16 Octobre 2016 08:02  

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