Christian HOHMANN

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La notion de goulot en Développement

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Christian HOHMANN

Une ressource particulière, rare, chère et à capacité limitée se trouve aussi bien au sein d’un processus de Développement qu’au sein de la Production. Ce type de ressource est dite goulot ou contrainte, en référence à cette notion révélée par la théorie des contraintes.


Ressource goulot en Développement

Il est probable de trouver une ressource goulot au sein du processus Développement, car si ce n’était pas le cas ce processus pourrait être (infiniment) performant. Il peut s’agir par exemple de la cellule calcul, du prototypage ou d’un laboratoire, voire à l’intérieur de ces unités d’une compétence particulière et rare dont la capacité est limitée (disponibilité, charge...).

Sur un projet donné, un goulot digne d’intérêt se trouve très probablement sur le chemin critique puisque sa capacité étant au mieux juste égale au besoin, toute perturbation induira un retard. Si cela n’est pas le cas, les marges libres devraient permettre de rattraper les retards dus au manque de capacité et la notion de goulot au sens de la théorie des contraintes est discutable.

Un problème bien plus fréquent est posé par une ressource théoriquement non-goulot, du moins tant que l’on considère sa capacité en fonction d’un projet donné. C’est quand cette ressource est partagée et se retrouve en point nodal entre plusieurs (ou tous les) projets, qu’elle devient goulot, en devant absorber la somme des charges.

Or, non seulement la gestion charge-capacité des ressources n’est pas systématique, mais la méthode du chemin critique (CPM, Critical Path Method) considère un projet isolément et non pas l’ensemble du portefeuille projet. Cette incapacité à collationner les charges inter-projets et d’identifier une ressource critique du point de vue de la capacité est une des raisons à l’émergence de la méthode dite Chaine Critique (CCPM, Critical Chain Project Management). Celle-ci revisite la gestion de projet sous l’éclairage de la théorie des contraintes.

Une telle ressource partagée qui se révèle goulot peut-être un équipement de laboratoire particulier, une cellule de calcul, un équipement de test, etc.

Pour mémoire, une ressource goulot est une ressource dont la capacité est en moyenne inférieure ou égale au besoin. Par conséquent,  le débit du goulot conditionne le débit de l’ensemble du processus dans lequel il est inséré. De plus, c’est une ressource rare et/ou coûteuse, car si ce n’est pas le cas, la solution à sa surcharge est triviale ; il suffit de multiplier ce type de ressource.

La Théorie des Contraintes livre neuf règles pour maximiser le débit de ces ressources particulières, qui par leur statut méritent un traitement de faveur.

En savoir plus

En Production le goulot peut se repérer visuellement par les stocks en attente qui s’accumulent devant lui en attendant leur traitement. En Développement les stocks sont le plus souvent immatériels et le management visuel encore peu développé rend plus difficile l’identification du goulot de cette manière.

La métrologie 3D peut être un goulot devant lequel on peut trouver des pièces, voire des lots de pièces tels que les échantillons initiaux. Ceux-ci doivent être mesurés individuellement pour qualifier le processus de production. Il n’est pas rare que la machine 3D soit également sollicitée par le suivi qualité en vie série, pour les expertises ou pour rechercher des causes de défauts qualité.

Si la notion de goulot est relativement souvent "intuitée" ou reconnue lorsque la définition est donnée, les règles et principes pour une bonne gestion du goulot ne sont pas (toujours) connus.

Il arrive également que l’énoncé de la définition amène quelque malentendu, tel que considérer toute ressource qui connait une surcharge comme un goulot.

L’ignorance de la notion de goulot et des règles de gestion adéquates amène des pratiques et comportements aux conséquences importantes sur la tenue des délais. Parmi ceux-ci citons :

  • La ressource goulot est sursaturée pas les sollicitations telles que les demandes de calculs multiples ou répétées, des prototypes pour diverses variantes mineures
  • L’ordonnancement des tâches de la ressource goulot est remis en question par de nouvelles priorités ou l’imposition autoritaire d’une priorité, ce qui finit par rendre la planification de la ressource totalement chaotique et propage potentiellement des retards sur plusieurs projets
  • Les demandes sont formulées tardivement, ce qui oblige éventuellement à revoir l’ordonnancement
  • Les demandes sont formulées de manière vague ou avec des données initiales incomplètes, ce qui fait interrompre la tâche de la ressource goulot et gaspille le temps passé ainsi inutilement
  • La charge du goulot n’est pas suivie ni affichée, ce qui incite les solliciteurs à ne pas anticiper suffisamment leurs demandes ou à les multiplier
  • La ressource goulot cherche à réduire sa charge et/ou son retard en faisant l’impasse sur certaines parties (passes de calcul, analyses, capitalisation de l’expérience, tâches de gestion…)
  • Le travail en multitâche des personnels affectées aux ressources goulots ou qui sont des ressources goulot
  • Les perturbations de tous ordres ; interruptions, distractions, réunions peu importantes, tâches sans rapport avec l’expertise…
  • Les pauses étendues gaspillent de la capacité précieuse
  • L’attente de données ou de matières qui ne sont pas prêtes au moment où le créneau se libère oblige soit à laisser le goulot sans charge (gaspillage de capacité), soit à passer à la prochaine tâche possible (remise en question de l’ordonnancement)

 

Inversement, la connaissance des règles de gestion des goulots et l’évitement des cas cités en exemple suffisent à récupérer entre 20 et 30% de capacité jusque-là gaspillée.



Quel rapport avec Lean ?

La ressource goulot peut être identifiée au travers d’une cartographie VSM, notamment en construisant la matrice projets / ressources qui devrait faire ressortir la convergence vers un nœud, au centre duquel se trouve la ressource goulot.

Une fois la ressource goulot identifiée, il s’agit de la solliciter au plus juste, autrement dit lui confier les traitements "juste nécessaires", en évitant les refaisages (itérations pour causes de défauts, d’informations incomplètes, etc.). Les investigations traditionnelles du Lean telle que la vérification de l’existence des muda, mura et muri, l’emploi des outils d’analyse tels que les cinq pourquoi ou le diagramme causes-effet sont une aide efficace pour améliorer l’utilisation de la ressource précieuse. C'est l'une des facettes du Lean engineering.

Un brin de Six Sigma ?

La faible répétition des tâches similaires en Développement conduit à rejeter les techniques statistiques au prétexte du petit nombre de données récupérables.

L’argument ne tient pas toujours. Prenons l’exemple d’un équipement de mesure ; si sa fiabilité et sa répétabilité sont insuffisantes, on va multiplier les passes pour vérifier les écarts. Il peut être judicieux d’établir des capabilités, des cartes de contrôle. Le même exemple vaut pour un modèle de calcul numérique.

Synergie TLS

Les outils et méthodes des différentes approches Théorie des Contraintes, Lean et Six Sigma se confondent ou se complètent, mettant en évidence les synergies potentielles entre elles. Cette approche mixte est désignée sous le sigle TLS.

Conclusion

Face à une ressource goulot, qui par définition ne peut être aisément dupliquée, la connaissance des règles de gestion de ce type de ressource (ToC) éventuellement complétée par les outils et méthodes de Lean et Six Sigma permettent d’améliorer sensiblement le débit (Throughput) du goulot en le délestant d’un certain nombre de gaspillages et en imposant quelques bonnes pratiques d’utilisation.



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Mise à jour le Mardi, 21 Mai 2019 16:33  

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