On les appelle chantiers kaizen, kaizen events, chantiers hoshin, hoshin kaizen, one point kaizen, etc. Ce sont des travaux dirigés en groupe, focalisés et limités dans le temps, destinés à apporter une solution à un problème ou à améliorer une situation donnée.
Ce mode d’action est très en faveur dans les entreprises, administrations et plus largement dans les organisations et il présente un certain nombre d’avantages listés dans les articles chantier hoshin kaizen et kaizen amélioration continue sur ce site.
Néanmoins ce mode d’amélioration comporte également des inconvénients dont il faut avoir conscience, d’où cette critique (raisonnée) des chantiers kaizen.
Les chantiers kaizen sont donc des actions menées en groupe pendant un temps très court et sur un périmètre limité, focalisant sur des objectifs précis tels que la résolution de problèmes ou une amélioration spécifique.
Ces chantiers kaizen ont le plus souvent un format standard auquel il faut se conformer ; couramment 3 à 5 jours durant lesquels les différentes phases et livrables sont prescrits.
Les participants sont dirigés, voire bousculés par l’animateur pour passer d’une tâche prescrite à la suivante en respectant le plan. Il y a donc peu de temps et d’opportunité pour réellement comprendre la démarche, l’analyser et en tirer les bénéfices d’un apprentissage.
Pour ces raisons, les chantiers kaizen bénéficient davantage aux managers des zones en question, qui voient leurs problèmes résolus, aux animateurs / facilitateurs ou membres des kaizen promotion office (ou tout autre nom de ce type d’entités) car ils comptent dans leurs scores de chantiers menés, qu’ils ne bénéficient aux participants ou à l’entreprise à long terme.
Pourquoi les entreprises bénéficient-elles rarement des chantiers kaizen ?
D’abord parce que de la manière dont ils sont menés, les chantiers kaizen ne sont pas des évènements propice à développer une organisation apprenante. Les participants ne développent par leurs aptitudes et capacités à voir les problèmes et potentiels d’amélioration par eux-mêmes ; les animateurs formatent le cas à l’avance et le mode opératoire en contraint l’exécution.
Les chantiers kaizen sont dépendants de la disponibilité des animateurs, souvent en nombre restreint, qui peuvent devenir de vraies ressources goulots, limitant les améliorations et les résolutions de problèmes. Ce problème est fréquent lorsque les “black belts”, “master black belts” ou autres “lean champions” sont requis par la procédure.
Les personnels ne sont pas formés et leurs aptitudes ne sont pas développées pour les rendre autonomes. Ainsi, s’il n’y a pas de chantier planifié, il n’y a pas d’amélioration ni de résolution de problèmes, ce qui n’est pas réellement l’esprit Lean.
Le mode “travaux dirigés” est également une réminiscence du mode de management “commande et contrôle” qui rassure le management.
Dans "Toyota Kata", Mike Rother explique que les chantiers kaizen ne requièrent pas d’approche managériale particulière (contrairement aux kata), ce qui expliquerait leur popularité.
Plus loin il poursuit notant que le groupe de travail se sépare après le chantier et l’entropie va fatalement éroder les gains obtenus.
Les activités kaizen sont généralement bienvenues les périodes creuses, fournissant une occupation utile au personnel, mais lorsque le rythme reprend, les activités kaizen retrouve une faible priorité. L’amélioration continue est perçue comme une activité réservée aux périodes dans lesquelles on a le temps et non pas comme partie intégrante du travail.
C’est ainsi que la performance progresse par bonds d’un chantier au suivant.
Les chantiers kaizen sont focalisés sur des problèmes locaux, indépendamment des liens, interactions et incidences sur les autres départements, services, ateliers, etc. Les optimisations locales qui en découlent ne peuvent profiter à l’organisation toute entière, comme le rappelle la devise de la Théorie des Contraintes. Autrement dit, les chantiers kaizen améliorent localement, ici et là et rarement de manière coordonnée, alignée avec le But et en servant le dessein de l’organisation.
Les chantiers kaizen et leur rythme soutenu sont souvent utilisés pour vaincre la résistance au changement et l’emploi fréquent de cette solution revient à promouvoir l’approche purement top-down, par laquelle tout est pensé, planifié par des personnes qui n’effectuent pas le travail quotidien à améliorer.
La participation des membres du groupe est le plus souvent limitée à l’exécution. Il y a peu d’opportunité à réellement analyser, comprendre, expérimenter, construire une solution originale, accepter les conclusions de l’expérimentation et apprendre.
Finalement, dans les organisations qui choisissent de développer des champions Lean (ou xx-belts), non seulement elles s’en rendent dépendantes mais lorsque les champions ont acquis suffisamment d’expérience pour être crédibles, ils se vendent ailleurs.
Bien évidemment, rien n’a été prévu pour assurer la continuité et dans ces cas les initiatives sont stoppées tout comme l’amélioration dite “continue” ainsi que la résolution des problèmes.
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