Christian HOHMANN

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Piège du VSM: cartographier un processus inutile

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La cartographie VSM (Value Stream Mapping) est certainement l’outil d’analyse principal et le plus populaire dans l’ensemble des outils lean.

Relativement facile à comprendre et à mettre en oeuvre, la cartographie VSM précède fréquemment les chantiers d’amélioration en aidant à identifier les gaspillages, dysfonctionnements et potentiels de progrès qui émaillent tout processus.


Cette facilité d’emploi peut pousser les acteurs du terrain à multiplier les cartographies et les chantiers d’amélioration. Si à première vue c’est une bonne nouvelle pour l’amélioration continue, il faut rappeler que dans pratiquement n’importe quel environnement les opportunités d’amélioration sont quasi infinies alors que les ressources (temps, disponibilité des participants, expertises, moyens financiers...) sont elles systématiquement limitées.

Il convient donc de cibler les périmètres et thèmes d’amélioration afin d’éviter de gaspiller ces ressources limitées.

L’ironie, en matière de gaspillages, est de réaliser une cartographie VSM sur un processus inutile. Quel est l’intérêt de décrire et d’analyser en détail un processus qui devrait être intégralement éliminé ?

Ce phénomène est plus fréquent que l'on pourrait penser.


Solutions à problèmes et syndrome du 3%

Bon nombre de processus existant dans une organisation sont des contremesures et réponses à des problèmes. Ces problèmes ont éventuellement été définitivement réglés, mais le processus pour y répondre est toujours en place.

Faut-il dès lors chercher à l’optimiser ou ne peut-on chercher à l’éliminer tout simplement ?

En l’absence de données statistiques sur l’occurrence du problème, ce qui est le cas le plus fréquent, la réponse est délicate. Par ailleurs, les défenseurs du processus auront beau jeu d’argumenter que c’est précisément parce que le processus est en place qu’aucun problème n’est réapparu.

Si ces problèmes ont une occurrence faible, le coût du maintien d’un processus pour les prévenir, les amortir ou les résoudre est-il en rapport avec les effets de ces problèmes ? Si la réponse est en défaveur du processus, plus cher toutes choses égales par ailleurs que les effets des problèmes, ne vaut-il pas mieux supprimer ce processus et supporter le coût moindre des problèmes ?

Dernier cas enfin, si la récurrence des problèmes est fréquente, le processus est inopérant et la bonne question est : ne vaut-il pas mieux investir dans l’éradication du problème ?

Un ordre de grandeur, probablement plus symbolique que réel, est le management des 3%, expression due à Gordon Forward, ancien PDG de Chaparral Steel, et qui désigne les contremesures mises en place pour 3% des employés au comportement déviant, qui pénalise 97% de ceux qui se tiennent aux règles.

Si un processus existe à cause de 3% des employés, il masque un problème de management.

Doit-on dès lors chercher à améliorer de tels processus ?

Ne vaut-il pas mieux, avant de tracer la moindre ligne se poser la question s’il ne convient pas d’éliminer tout bonnement ce processus ?


Initiatives non coordonnées

Un autre cas de processus inutiles se trouve dans les entreprises, organisations ou groupes qui ne coordonnent pas leurs initiatives, ou qui laissent une latitude d’initiative importante aux acteurs du terrain.

Ceux-ci, ne disposant pas de la hauteur de vue, du recul nécessaire, ne peuvent raisonner que du point de vue de leur position et non pas sur un périmètre plus large qui ferait apparaître l’inutilité d’un processus. Une VSM des VSM en quelque sorte.

Pire, je me souviens de deux groupes industriels dont les bureaux Lean centraux ont demandé à chacune de leurs filiales de réaliser un chantier pilote d'amélioration sur un processus de leur choix. Le chantier pilote devait obligatoirement commencer par une cartographie VSM.

Dans les deux cas, les bureaux Lean centraux n'avaient aucune stratégie ni plan global et à défaut, ont lancé des initiatives bottom-up locales.

On lira à ce propos mes articles “la devise de la Théorie des Contraintes” ou “lean manquerait de focalisation

Le problème potentiel de cette approche est le risque de lancer une ou plusieurs filiales dans un exercice qui peut être enthousiasmant pour les acteurs du terrain, mais qu’il faudra abandonner ou refaire différemment lorsque la coordination globale le nécessitera.

On imagine aisément la frustration et la perte de confiance des acteurs locaux ayant travaillé à remettre en question leurs manières d’opérer, accepté un changement, le mettre en oeuvre et constater des améliorations puis devoir abandonner, rediriger ou revenir en arrière sur ordre du siège.

Non seulement toutes les ressources consommées lors des chantiers pilotes auront été gaspillées - quand bien même on peut se dire que c’est un investissement en formation - mais la crédibilité et la durabilité de ce type de démarche seront désormais sujettes à caution.

Il sera certainement difficile de remotiver les acteurs pour un nouveau chantier ultérieur.


Mise à jour le Dimanche, 10 Septembre 2017 07:31  

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