Christian HOHMANN

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Bien voir pour mieux gérer, le livre

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“Bien voir pour mieux gérer” est la traduction française de 2008 de “Learning to see” par Mike Rother et John Shook paru en 2003 (version 1.3). L’ouvrage compte 112 pages dans une présentation aérée et amplement illustrée. Il a été primé, notamment par un “Shingo award” et peut être considéré comme un ouvrage pédagogique de référence qui a certainement contribué à la diffusion de la méthode Value Stream Mapping (VSM).

La légère trahison dans la traduction du titre annonce d’autres approximations et une maîtrise parfois insuffisante du langage technique par la traduction. Pour être sûr de conserver le sens premier, je recommande la lecture de l’original, en anglais.

Le principe proposé est de cartographier la chaîne de valeur pour comprendre les flux de matières et d'informations qui accompagnent la progression du produit le long de la chaîne de valeur, comprenez la succession d’opérations dans un processus.

Selon les auteurs il est facile de décrire à rebours les étapes de la réalisation d'un produit depuis l’expression du besoin par le client jusqu'aux fournisseurs de matières premières au moyen de représentations visuelles simples, tant pour les matières que pour les informations.

Les bénéfices vantés de la méthode sont :

  • une visualisation du processus et du flux
  • l’identification des gaspillages, et au-delà, leurs causes
  • fournir un support de communication et de discussion
  • fournir un support d'analyse
  • construire un outil de décision sur quoi et où agir

Cet outil de cartographie, soulignent les auteurs, lie les flux physiques et les flux d'informations.

Le livre entraîne les lecteurs dans un apprentissage pas-à-pas de la cartographie VSM

La première recommandation est de démarrer avec l’expression des spécifications ou attentes des clients, leur définition de la valeur, sans quoi on risque de cartographier un processus qui produit autre chose que ce qui est attendu et valorisé par les clients. 

La seconde concerne le découpage de la chaîne en entités cohérentes pour limiter le nombre de boites d’information. La règle proposée est qu’un segment de flux continu, quand bien même il comporte des encours, est représenté par une seule boite indépendamment du nombre d’opérations ou postes. Une nouvelle boite sera utilisée si le flux est interrompu (découplé), par un stock d’attente, un supermarché ou un déplacement par lot, par exemple.

Une autre recommandation est de cartographier les flux connexes les plus importants uniquement (divergence, convergence, branches, etc.) pour éviter de compliquer la cartographie dès le départ. Des compléments pourront être apportés au besoin ultérieurement.

Une liste page 19 propose quelques éléments d’information utiles à récupérer pour remplir les boites d’information. L’exemple qui sert de fil rouge relève d’une activité de fabrication et assemblage industriel (manufacturing), ce qui conduit à proposer de recueillir les informations en matière de :

  • temps de cycle
  • temps de changement de série
  • temps d’ouverture (de la ressource)
  • l’EPE, c’est à dire la fréquence (EPE = Every Part Every...) et plus simplement la taille des lots de production
  • le nombre d’opérateurs
  • le nombre de variantes produit
  • la taille du contenant (lot de transfert)
  • le temps de travail net de pauses
  • le taux de rebut

L’illustration page 21 a trouvé sa place dans d'innombrables présentations PowerPoint et mêmes livres, tant les explications sur les différentes définitions de temps et durées sont clairement et simplement expliquées.

Les symboles ou icônes et leur signification sont introduites au fur et à mesure, au fil des pages, la cartographie du cas fil rouge se construit progressivement.

La recommandation de simplicité et de focalisation sur l’essentiel pour les ressources (machines) est renouvelée pour les flux de matières : ne cartographiez que les flux principaux et essentiels.

L’intégration du flux d’informations est abordé à partir de la page 26 et le calcul du temps de traversée des stocks (loi de Little) en page 30, ainsi que la distinction entre temps à Valeur Ajoutée et temps à non-Valeur Ajoutée.

Le chapitre “Current State Map” s’achève sur quelques pages de données d’une étude de cas pour laquelle il est demandé de tracer la VSM “état actuel”

Lean Value Stream

Les pages 41 à 54 qui constituent cette section procurent aux lecteurs des aperçus sur des principes et concepts clés en matière de Lean, assortis de 7 conseils (guide lines) :

  • La surproduction et l’explication pourquoi c’est le pire des (7 types de) gaspillages ou muda
  • Le takt time (cadence ou tempo) qui se calcule en divisant le temps de travail disponible par la demande moyenne sur une période de temps (jour en général)
  • Le flux continu
  • Le principe du supermarché, FIFO et kanban. Le supermarché est une solution recommandée pour installer un point de découplage là où le flux s’interrompt et est discontinu. C’est également dans ce paragraphe que l’on trouve une recommandation de se passer de l’ordonnancement central (ERP) pour passer en flux tiré ainsi que la rationalité derrière cette recommandation. Le FIFO est introduit comme un substitut au supermarché dans certains cas (page 48).
  • Pacemaker (métronome) est la ressource ou partie du processus qui conditionne l’ordonnancement. Avant, en amont du pacemaker, le flux est soit tiré soit découplé par un supermarché. Le Pacemaker est également le point de contrôle où l’on injecte les ordres de fabrication en quantité limitée, afin de ne pas fournir aux ressources avales l’opportunité de les réordonnancer à leur avantage (page 51).
  • Le nivellement (heijunka) est recommandé pour réduire les encours en amont du pacemaker en multipliant la production de lots de plus petite taille, avec un autre bénéfice fondamental : la réactivité aux variations de demandes clients.
  • La boite heijunka est un système kanban cadencé. EPEx (fréquence) est un acronyme pour Every Part Every x, où x est l’unité de temps considéré, comme par exemple la journée, l’équipe ou l’heure.

Future State Map

A partir de la page 57, le livre aborde la cartographie de l’état futur. Celui-ci devrait se composer d’une succession de ressources en prise directe (flux continu) ou séparés par des points de découplage par lesquels le flux est tiré et ne produit idéalement que ce qui est demandé par les clients au moment où c’est demandé.

Pour guider la construction de l’état futur amélioré, les auteurs proposent une liste de 8 questions en lien avec les notions vues précédemment (page 58). Les pages suivantes mettent ces questions en oeuvre pour le cas fil rouge.

1. Takt time

Le Takt time est calculé selon la formule temps de travail disponible / demande client, avec une précision importante : la cadence ainsi fixée est une référence imposée par une donnée client sur laquelle l’entreprise n’a aucun contrôle et ne peut donc être modifiée.

Par ailleurs, le temps de travail n’intègre aucune marge pour pannes, changements de séries ou rebuts. Si l’entreprise ne peut maîtriser ces paramètres elle ne peut que produire plus rapidement que le takt time pour compenser le temps perdu.

Un conseil important est de (viser de) caler le rythme du pacemaker au plus proche du takt time et de conserver cet objectif afin de ne pas “ignorer” les problèmes en compensant leurs effets par une cadence plus élevée.

2. Supermarché ou expédition en flux direct ?

La question est débattue avec un choix pour un supermarché au départ et un objectif de tendre les flux.

3. Où l’entreprise peut-elle mettre en oeuvre des flux continus ?

Le cas fil rouge est bien choisi en ce sens que la presse d’emboutissage, équipement coûteux à cadence bien plus rapide que le takt time, ne se prête pas à une mise en flux continu mais doit être utilisée en production par lots et découplée du processus aval par un supermarché.

L’ensemble des postes du processus sont analysés en fonction de leur cadence et des regroupement pour se rapprocher du takt time guident la réflexion sur la structure future: la mise en cellule de trois postes.

Le takt time ne pouvant être atteint par le seul regroupement des postes, un chantier d’amélioration kaizen est suggéré pour réduire les gaspillages et ramener la cadence de chacun des postes sous le takt time. Si les améliorations ne permettent pas d’atteindre cet objectif, le recours à des heures supplémentaires est une option à envisager, sachant qu’un opérateur sur quatre est économisé. Précision importante : les personnels économisés sont à réaffecter à des activités créatrices de valeur.

Un dernier paragraphe concernant ce point introduit sans les nommer le changement rapide de série (SMED) et la maintenance préventive.

4. Où placer les supermarchés ?

Ce chapitre introduit les boucles kanban avec supermarché, évoque le principe de “tournée du laitier” puis traite du flux d’informations.

5. Où doit se faire l’ordonnancement, comment choisir le pacemaker ?

La réponse dans le cas fil rouge (suffisamment simple pour que la solution s’impose d’elle-même) est la première opération du segment en flux continu. Cela n’a rien d’une loi générale et le choix du pacemaker doit se faire au cas par cas.

6. Le nivellement de la production et 7. quantité de travail relâché au niveau du pacemaker

Le chapitre présente la solution de nivellement et deux options de boucles kanban. La boite d’ordonnancement est utilisée pour cadencer le pacemaker en plaçant des ordres ou kanban dans les cases correspondant à des créneaux horaires.

8. Quelles améliorations sont nécessaires pour parvenir à l’état futur ?

Ce paragraphe reprend les améliorations nécessaires déjà décrites précédemment et discute du meilleur usage de la presse, ressource commune à différents flux.

En outre, les auteurs rappellent que poser la question n°8 en dernier démontre la finalité et la nécessité des changements, une démonstration qui ne peut être faite si la question des améliorations nécessaires est posée avant que les parties prenantes n’aient pleinement compris le dessein et les problèmes à surmonter.

Réaliser l’état futur

La cartographie est un exercice inutile si l’organisation ne change pas de son état actuel vers son état futur et ne réalise pas les gains/économies mis en évidences. Cependant, la transformation peut requérir de nombreux changements, trop nombreux pour être entrepris tous à la fois. Les auteurs suggèrent donc de segmenter en étapes qui regroupent des unités de flux cohérents appelés “boucles”. Ce principe est appliqué au cas fil rouge pour démonstration.

Les dernières pages (90-99) sont consacrées au plan de transformation et plan d’actions avec conseils de mise en œuvre et formulaires modèles.

Conclusion

“Bien voir pour mieux gérer” ou “Learning to see” est un livre référence avec une pédagogie à l’américaine, simple et efficace. Il propose une excellente introduction à la cartographie Value Stream Mapping en proposant un parcours guidé pas à pas. J’ai préféré la version anglaise pour capter les messages des auteurs en évitant les biais erreurs ou omissions d’une traduction.

Une fois les bases acquises, il est important de mettre ces connaissances en oeuvre en pratiquant les exercices de cartographie sur des cas réels et en étudiant des VSM existantes.


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Mise à jour le Dimanche, 10 Septembre 2017 07:42  

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