Les structures V, A, T (rappel)
Les pionniers de la théorie des contraintes ont rapidement décrit les problèmes classiques que rencontrent certains types d'organisation ou typologies d'entreprises. La connaissance préalable des trois types de base peut orienter efficacement la recherche des contraintes et la définition des actions d'amélioration*.
On distingue trois types d'organisation génériques symbolisées par les lettres V, A et T.
Ces lettres symboliques représentent le processus dans lequel on injecte la matière première à son pied et l'on récupère les produits finis en haut, plus largement les input sont à la base, les output au sommet.
Structures en V
Dans les typologies en V, un nombre restreint et parfois unique de matériaux conduit à un vaste éventail de produits finis. On trouve dans les structures en V typiquement la métallurgie avec les nuances d'aciers, les différentes fontes, les laminoirs, certains processus continus ou semi-continus, l'industrie textile, la chimie, l'industrie papetière, le travail du bois...
Problèmes traditionnels des structures en V
Dans les structures en V, les matières perdent leur "flexibilité" à mesure qu'elles avancent dans le processus. Leur transformation est irréversible ou très coûteuse. Une fois différenciées, les matières ne peuvent pratiquement plus être récupérées pour en faire autre chose.
Exemple : une bille de bois débitée et tournée pour faire un pied de chaise ne pourra plus redevenir bille de bois, puis planche.
Un mauvais aiguillage dans le processus, qui allouerait la matière à l'élaboration d'un produit non prévu risque :
- de priver un autre produit attendu de sa matière première
- de grossir un stock inutile
Si ce genre d'entreprise n'a pas de goulot en interne, elle aura des capacités en excès sur toutes les ressources. Leur suractivation crée des stocks importants, d'autant plus s'il y a de nombreuses possibilités de (mal) affecter la matière. Des mesures incitant à atteindre des objectifs de productivité locaux et/ou des systèmes de primes de rendement accentuent ces effets.
Si ce genre d'entreprise a au moins un goulot ou une ressource contrainte de capacité (CCR, ou "presque goulot", une ressource dont la capacité est proche de la demande moyenne et qui mal gérée devient goulot), les mauvaises allocations de matières avant ce goulot y accumuleront un stock important de produits à traiter, mais qui ne sont pas attendus, risquant ainsi de rompre l'approvisionnent attendu des ressources en aval.
Les mauvaises allocations de matières après le goulot finissent dans un stock de produits non attendus et le goulot sera sollicité pour traiter de nouvelles unités en compensation.
Les temps de changements de série sont généralement longs et encouragent le travail en campagnes et les regroupements de lots. Afin d'expédier à temps les produits attendus, l'ordonnancement du goulot sera revu fréquemment, lui faisant perdre encore plus de temps dont il n'a pourtant aucun excès.
Ces entreprises vivent souvent le paradoxe d'étouffer sous des stocks de produits finis, mais qui ne sont jamais ceux commandés.
Les commerciaux soucieux de contenter leurs clients vont interférer avec l'ordonnancement, au risque de rendre toute la planification chaotique. Les responsables en charge de la production se plaignent des changements fréquents des demandes, mais celles-ci n'émanent pas tant de la clientèle que du système lui-même qui doit compenser ses propres erreurs.
Stratégie conventionnelle
Afin de palier aux problèmes traditionnels de ces entreprises, leurs responsables souhaitent améliorer le service aux clients en terme de temps de réponse et réduire les coûts, notamment de possession de stocks et d'expédition en urgence. Par ailleurs, la pression de la concurrence et la productivité médiocre de l'entreprise conduisent les responsables à chercher des réductions de coûts, notamment en production.
Comme la prévision des mises à disposition / expédition est délicate et probablement peu fiable, les stocks de produits finis vont encore augmenter afin de répondre rapidement et dans les quantité attendues.
Ceci peut se traduire par la recherche de réduction des coûts directs en automatisant d'avantage, voire en délocalisant la production. Les actions visant à réduire les rebuts sont aussi une piste classique, mais menées seules, leur impact restera limité.
Théorie des Contraintes face aux entreprises de types V
Phase 1, gérer l'existant
Sans surprise, la première action à entreprendre consiste à identifier le goulot. Dans les entreprises en V il n'y a en général qu'une seule ressource goulot ; les fours de traitement thermique, les métiers à tisser, cabines de peinture...
Le plan de production sera établi en fonction des capacités de cette ressource goulot, c'est le planning maître. Toutes les ressources en amont du goulot seront gérées de façon à alimenter en permanence le goulot, mais sans le noyer dans les encours. Un stock de protection (buffer) judicieusement dimensionné assurera le goulot contre une éventuelle rupture d'approvisionnement en amont.
On cherchera ensuite les moyens de dégoulotter la contrainte. Premièrement en ne sollicitant le goulot que pour traiter des commandes attendues ou des ventes certaines (probabilité importante). Les mesures de bon sens et les règles de la ToC doivent être appliquées sans concession. On cherchera à réduire la taille des lots de fabrication et de transfert afin d'accélérer le flux, et à réduire la durée des changements de séries pour gagner de la flexibilité. Les contrôles de qualité devront essayer d'éliminer les pièces mauvaises AVANT qu'elles n'entrent dans le goulot, afin d'éviter de solliciter le goulot pour rien !
Ensuite on cherchera s'il est possible de décharger le goulot en mettant en oeuvre des ressources moins performantes en parallèle ; en ajoutant des fours auxiliaires de plus petites dimensions, des machines jugées obsolètes mais qui pourraient reprendre utilement du service...
Attention : si l'accroissement de capacité du goulot est conséquente, il faut veiller à ce que d'autres ressources (CCR) ne se transforment pas immédiatement en goulots.
Phase 2, investissements
Si les mesures prises en phase 1 sont insuffisantes pour revenir à une situation "normale", il faudra considérer l'accroissement des capacités soit par le recours à la sous-traitance, soit par l'investissement. Ce type d'entreprise nécessite en général des moyens très coûteux, on qualifie ce type d'activité de "capitalistique".
Le montant de l'investissement est à mettre en regard des opportunités de ventes perdues et du coût des stocks, qui est généralement plus important que ce que l'on estime. Si les équipements futurs le permettent, on privilégiera ceux qui autorisent plus de flexibilité.
Bibliographie
- "Synchronous Manufacturing: Principles for World Class Excellence", M. Michael Umble & Mokshagundam L. Srikanth
- "Le Management par les contraintes en gestion industrielle. Trouver le bon déséquilibre", Philip Marris
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