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Accueil Critical Chain Project Management (CCPM) Le concept de chaine critique

Le concept de chaine critique

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Christian HOHMANN Les défis posés à la conception et au développement de produits, d’offres et de services par l’intensification de la lutte concurrentielle nécessite de revoir les pratiques de management de projets. La méthode du chemin critique ne donnant pas entière satisfaction, une nouvelle approche issue des enseignements de la Théorie des Contraintes relève le défi de la fiabilisation des délais et de l'accélération des projets.


Sommaire





Défis et limites en matière de management de projets

Alors que depuis les années 1980 le mode de management en production change d’une approche basée sur le contrôle des coûts vers une approche holistique favorisant la fluidité (Lean), le management de projets n’a guère changé depuis l’introduction de la méthode du chemin critique dans les années 1950 (méthode PERT : USA 1954, programme Polaris) et ceci malgré ses faiblesses reconnues quant à la fiabilité et la tenue des délais.

La vitesse de mise sur marché, la fiabilité des délais et la maitrise (réduction) des coûts sont les "nouvelles" conditions clés de succès (lisez l'article spécifique sur les défis en conception et développement) qui s’ajoutent aux fondamentaux non négociables que sont le respect des spécifications, la qualité, etc.

La nouvelle approche nommée Critical Chain Project Management (CCPM) se distingue de la méthode du chemin critique (Critical Path Method, abrégé en CPM) par la prise en compte simultanée des contraintes de précédences et des capacités des ressources requises. Parmi ces ressources, certaines répondent à la définition d’un goulot au sens de la Théorie des Contraintes (ToC) et méritent un traitement particulier, inspiré des neuf règles de la ToC. CCPM ne se cantonne pas à l’identification des ressources goulots, elle vise à fiabiliser les estimations de durées unitaires des tâches et garantir l’achèvement du projet dans les délais, de surcroit plus courts qu’avec CPM.


Chemin critique versus chaine critique

Le chemin critique

Avec la méthode CPM, la détermination du chemin critique se fait à capacité infinie, en ignorant l’affectation des ressources dans un premier temps. Le chemin critique est constitué de la plus longue succession de tâches qui :

  • Respectent les contraintes de précédence et succession
  • N’admettent aucune marge libre, de sorte que le retard sur une tâche du chemin critique se répercute sur l’ensemble du chemin critique et par conséquent affecte le projet tout entier.

La charge par ressource est gérée dans un second temps, si toutefois les acteurs concernés s’en donnent la peine et si leurs outils de gestion le permettent. Le nivellement des charges amène à paralléliser des ressources et/ou à revoir leur ordonnancement en intégrant des tâches fictives de synchronisation dans le projet.

La chaine critique

CCPM prend en compte les tâches du projet, leurs contraintes de précédence et de succession ainsi que les capacités et disponibilité des ressources pour les exécuter. Du fait que certaines ressources particulières, uniques, peuvent être requises à la fois sur le chemin critique et sur une branche hors du chemin critique, c’est la disponibilité des ressources nécessaires qui va déterminer ce que l’on ne nomme plus chemin critique mais chaîne critique. Celle-ci est généralement initialement plus longue que le chemin critique du fait de la prise en compte de l’ordonnancement sous contrainte de capacité.

Exemple

Soit les tâches listées dans le tableau ci-contre. La représentation sous forme de diagramme PERT en visualisant le chemin critique se fera comme figuré ci-dessous.

 

Or la ressource particulière B est commune aux deux branches, chemin critique et non-critique. La chaine critique (CC) prend en considération cette contrainte et la CC devient la chaine figurée en rouge ci-dessous.


Notons que :

  • Les ressources concernées doivent être goulots, sinon la solution est triviale ; il faut les délester sur d'autres ressources similaires,
  • Si aucune ressource ne doit se partager entre chemin critique et hors chemin critique, alors chemin critique et chaine critique sont confondus.

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L’évaluation des durées des tâches

En matière d’évaluation de durée des tâches, que ce soit du dessin technique, du calcul, de la programmation ou autre se fait le plus souvent à « dire d’exécutant » et généralement exprimé en fourchette min-Max. Cette évaluation se heurte à la rationalité limitée (au sens de Crozier et Friedberg) de chaque exécutant et les "biais humains", de sorte que les durées sont surévaluées sans que généralement aucune tâche ne finisse en avance.

Si la répétition ou la similarité des tâches d’un projet à un autre est suffisante, on peut voir émerger une base de données ou un catalogue de temps de référence, qui fige les durées fréquemment constatées (ne devrait-on pas dire "subies" ?) et valide comme vraisemblable les évaluations qui s'en approchent.

Avec la méthode classique du chemin critique CPM (Critical Path Method), la détermination du chemin critique se fait à capacité infinie, en ignorant l’affectation et la charge des ressources dans un premier temps. La charge par ressource est gérée dans un second temps, si toutefois les acteurs concernés s’en donnent la peine et si leurs outils de gestion le permettent.

L’utilisation des mêmes outils de gestion de projet, basés sur CPM) génère les mêmes effets (négatifs) au point que ceux-ci sont prédictibles ; retards probables, dépassement des budget, panique à l'approche des échéances. Plutôt que de chercher à en éradiquer les causes racines de ces effets, les chefs de projets segmentent plus finement la planification dans l’espoir de mieux contrôler la fiabilité des délais (microplanification) et ajoutent des marges de protection supplémentaires.

Voir également à ce propos la devise de la Théorie des Contraintes, qui rappelle que la recherche de l'optimum de chaque élément d'une chaine ne peut conduire à l'optimum global, du fait des interdépendances entre les maillons.

CCPM remet en cause l’évaluation de la durée des tâches en postulant que celle-ci est systématiquement surestimée par un certain nombre de biais humains :

et des pratiques ou problèmes courants :

  • Micro planification
  • Compensation des avances et retards qui masquent les problèmes
  • Multitasking
  • Dilemme entre priorités équivalentes
  • Préemption des ressources (les meilleurs éléments ou les plus fiables sont davantage sollicités)
  • L'intégration de marges de sécurité supplémentaires (chef de projet et hiérarchie)
  • Surqualité (on a du temps en excès, donc on peaufine)

Les conséquences de ces biais sont que non seulement les projets tendent à dépasser les durées prévues, mais les projets qui pourraient se terminer plus tôt ne s’achèvent pas plus tôt en pratique. Les dépassements constatés malgré les précautions et la gestion minutieuse pousse les managers de projets, ignorants les causes qui concourent à ces effets, à inclure des marges de sécurité supplémentaires. Ces marges seront à nouveaux absorbées et les projets ne gagneront ni en vitesse ni en fiabilité de timing, alimentant ainsi un cercle vicieux de projets toujours plus longs et dont les délais sont toujours aussi peu fiables.

>En savoir plus sur CCPM et l'évaluation de la durée des tâches<


Buffer projet, mutualiser les marges de sécurité


Pour mettre fin à ces biais et effets pervers dans les évaluations des tâches puis au suivi des avancements, CCPM propose de :

  • diviser "arbitrairement" la durée estimée des tâches de la chaine critique par deux (en moyenne, avec des cas d'exception)
  • d’affecter la moitié du temps à l’exécution de la tâche
  • de confisquer la moitié restante au profit d’un buffer-temps du projet mutualisé

Ce buffer protège l'ensemble du projet contre les dérives en matière de durée d’exécution des tâches individuelles. Or l'expérience montre rapidement que des branches non critiques peuvent le devenir en cas de retard sur une des tâches d'un branche non critique. On insère alors de la même manière des tampons auxiliaires aux points de jonction entre chaque branche non critique et la chaine critique. Les tampons auxiliaires sont dimensionnés en mutualisant la moitié des marges de sécurité de l'ensemble des tâches de la branche.

Cette révision drastique des temps alloués se double d’un contrôle à intervalle court, idéalement à la journée et d’une visualisation publique des avancements des tâches, offrant la transparence à toutes les parties prenantes (voir fever chart).


La logique générale CCPM

La logique CCPM se distingue de la méthode traditionnelle CPM (Critical Path Method) par le fait qu'elle prend en compte d'office la disponibilité (la charge) des ressources critiques. Les ressources critiques sont à comprendre au sens de goulots. Pour mémoire, avec CPM la planification s'effectue à capacité infinie puis les conflits de disponibilité et charge/capacité sont abordés dans une deuxième passe.

Ainsi, avec CCPM, l'enchainement des tâches n'est pas dicté par les seules contraintes de précédence mais par par ces dernières ET la disponibilité des ressources, ceci afin de rendre apparent la chaine critique. Le séquencement des tâches consiste à les placer en fonction de la disponibilité des ressources critiques, on appelle ce séquencement "nivellement". Les arbitrages de conflits de ressources doivent être dynamiques pour intégrer les aléas et l'évolution de la disponibilité et de la charge. Le jalonnement devient évènementiel, basé sur la disponibilité réelle et non plus temporel (à une date prévue).

Pour faire le lien avec les basiques de la Théorie des Contraintes, CCPM discrimine les ressources selon leurs statut goulot ou non-goulot et implémente un équivalent du principe Drum-Buffer-Rope. La planification est basée sur la disponibilité des goulots (Drum), différents Buffers de protection protègent les ressources critiques ET la chaine critique aux points de jonction (branches hors chemin critique). L'interdiction de recourir au multitasking est l'équivalent d'une corde (Rope).

Les marges individuelles sont confisquées et mutualisées. La coupure à 50% de l'estimation (environ la médiane) implique que la probabilité d'achever les tâches dans les temps est de 50%. Un retard est donc acceptable, ce temps de retard sera puisé dans le buffer projet, qui mutualise toutes les parts de marges confisquées. La consommation de ce buffer par les retards est suivie à intervalles courts et visuellement grâce à une fever chart.

Les avances éventuelles reconstituent partiellement le buffer. Si le buffer atteint la zone rouge, cela signifie "alerte" et une gestion particulière doit être mise en place pour veiller à ce que la date de fin du projet ne soit pas impactée.

Les responsables des différentes tâches ne sont plus jaugés sur le respect des délais de leurs tâches, mais sur celui du projet dans son entier.

Le multitasking est une mauvaise pratique que CCPM bannit.

Les débuts des tâches non critiques sont planifiées au plus tard, mais une fois démarrées, celles-ci doivent être achevées au plus vite. Ceci permet d'intégrer des modifications tardives, mais également de retarder des dépenses et investissements. Ceci peut d'ailleurs interférer avec les pratiques de gestion basées sur la valeur acquise.

La gestion par la valeur acquise pousse à privilégier les tâches qui avancent rapidement, même si elles ne sont pas sur le chemin / chaine critique.


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Mise à jour le Lundi, 10 Octobre 2016 19:37  

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