Christian HOHMANN

Depuis 1998 - 2024 26 ans déjà !

  • Augmenter la taille
  • Taille par défaut
  • Diminuer la taille
Accueil Critical Chain Project Management (CCPM) CCPM et estimation des durées des tâches

CCPM et estimation des durées des tâches

Envoyer

En matière d’estimation de la durée des tâches dans un projet, la pratique la plus répandue est de d’interroger les exécutants, qui répondent en fonction de leur expérience. On obtient ainsi une évaluation "à dire d’expert".

Quelque soit l’approche, cette estimation se veut réaliste et fiable, car elle conditionne les engagements, la rentabilité du projet, etc.

Or toute estimation est par essence même soumise à un certain degré d’incertitude.


Au sommaire


Hypothèses simplificatrices

Un premier niveau d’incertitude est lié aux hypothèses retenues pour l’estimation. Celles-ci tendent à simplifier le contexte d’estimation :

  • les tâches sont réputées se réaliser dans des conditions normales, qui est à comprendre au double sens d’habituel et que les prérequis soient respectés ; complétude des données d’entrée, fiabilité des informations initiales, stabilité des exigences, etc. Cette hypothèse de normalité élimine les interférences des aléas et place l’évaluateur dans un contexte et un environnement prévisible, quasi déterministe.
  • les tâches seront réalisées avec les moyens habituels, connus et maitrisés et par ailleurs disponibles.
  • les capacités des moyens nécessaires à la réalisation des tâches sont infinies. C’est une reformulation de l’hypothèse de disponibilité des moyens et qui est nécessaire. En effet, à ce stade de la planification on cherche à ce stade à connaitre la durée nécessaire à la réalisation d’une tâche et non pas sa date d’achèvement possible.

Au rang des hypothèses simplificatrices figurent les analogies utilisées pour estimer la durée de tâches sur la base de travaux antérieurs similaires. Les hypothèses et le contexte d’alors n’étaient pas nécessairement les mêmes et les estimations par analogies successives finissent par dériver faute d’un système de capitalisation et standardisation.


Dispersion des estimations de durées

Le second niveau d’incertitude est lié à la dispersion des durées d’achèvement, qui prend en compte un certain nombre d’aléas déjà expérimentés et/ou prévisibles. Ainsi, la probabilité d’achèvement d’une tâche dans les temps est exprimée à travers une courbe en cloche asymétrique, dont le mode est à 50% de probabilité d’achèvement et qui présente une traine des retards.

La pratique répandue en management de projet est d’estimer trois durées pour chaque tâche ; Optimiste, Pessimiste et Plus probable. La durée moyenne de la tâche est alors estimée à (Optimiste, + 4 x Plus Probable + Pessimiste) / 6. Ce calcul est connu sous le nom d’équation PERT et fournit une moyenne pondérée.

>Retour au sommaire<


Expérience

Le troisième niveau d’incertitudes est lié au facteur humain. Les estimations peuvent être biaisées au profit d’une majoration du temps par :

  • Une expérience faible, un manque de confiance, un excès de prudence, dans le cas de personnels débutant ou d’un chef de projet peu confiant dans ses ressources
  • le manque d’expérience préalable pour des tâches similaires ou comparables, dans le cas d’une innovation, par exemple
  • une mauvaise expérience préalable durant laquelle l’estimation avait été notoirement sous-estimée

L’estimation est perçue implicitement comme un engagement, tant par celui qui reçoit l’estimation et s’attend à ce que l’estimateur assume, respecte son estimation, tant par l’estimateur lui-même qui se doute bien que son estimation sera considérée comme un engagement sur les délais.


La logique de l’honneur

Tout individu interrogé sur une estimation de durée veut apparaître comme un professionnel compétent. Il aura donc à cœur de fournir une indication fiable, bornée par deux limites psychologiques : ne pas indiquer une durée trop courte qui ne parait pas vraisemblable et qui ne pourra peut-être pas être tenue, ne pas indiquer une durée trop longue qui mettrait en doute sa compétence.

Le choix se portera donc prudemment sur la durée la plus longue possible, car elle ménagera de la marge pour absorber les aléas et erreurs d’appréciation.

La logique de l’honneur empêche de déclarer une tâche achevée avant son terme estimé, car cela risquerait de faire passer son estimateur comme peu fiable et peu professionnel. D’autant que le risque est important de se voir amputée la durée déclarée la prochaine fois, sous prétexte d’une prudence excessive dans les estimations. La durée la plus longue devient ainsi une sorte de prédiction auto réalisatrice.

Le chef de projet prudent

La logique de l’honneur vaut également pour le chef de projet qui est responsable de la tenue des délais et du respect du budget. Il souhaite également démontrer son professionalisme et donc la maitrise de son / ses projet(s). Il n’est pas exclu qu’il rajoute des marges aux tâches ou aux phases du projet à celles déjà intégrées par chacun des exécutants. Les mêmes mécanismes jouant, le chef de projet n’aura pas intérêt à ce que son projet termine nettement avant le terme prévu.

>Retour au sommaire<


Le syndrome de l'étudiant

Les estimations de durées des tâches étant largement sécurisées par des marges, les exécutants sont convaincus de pouvoir réaliser leurs tâches plus vite qu’estimé. Ils calent l’exécution au plus tard, dans une sorte de procrastination systématique que l’on prête aux étudiants. Ceux-ci croit-on se mettent au travail au dernier moment, peu avant l’échéance, d’où la dénomination « syndrome de l’étudiant ».

Notons qu'étudiant ou non, les individus tendent à remettre au dernier moment les tâches peu motivantes et/ou difficiles.

Or les différents aléas qui ne manqueront pas de se produire font que les différentes marges de sécurités vont être gaspillés très rapidement, voire même avant le début effectif de l’exécution.

Cette posture est l’une des causes de retard dans les projets, cependant, un démarrage tardif peut aussi procéder de la volonté ou de la nécessité d’attendre des données d’entrées complètes et conformes, ainsi que du souci de se mettre à l’abri des changements de dernière minute.


Loi de Parkinson

La loi de Parkinson postule que la charge de travail au sein d'une organisation (originellement une administration) augmente jusqu’à utiliser complètement le temps alloué.

Cette interprétation de la formulation originelle de la loi de Parkinson est contestée http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Parkinson, mais elle n’en décrit pas moins un phénomène observé couramment et la dénomination "loi de Parkinson" dans le cadre de CCPM est "acquise".

Un travail fini avant le temps estimé n’est pas rendu. Pour partie à cause de logique de l’honneur, pour partie parce que le temps en excès sera utilisé pour affiner, améliorer, optimiser le travail à rendre, relire, etc. Soit ces opérations vont effectivement être réalisées, au risque de verser dans la surqualité, soit elles ne le seront pas et le travail restera en l’état, sans que l’ensemble du projet n’ait profité du temps potentiellement gagné par rapport à l’estimation.

Cette rétention des travaux terminés est également due au manque de capacité (réel ou supposé) du maillon suivant à prendre en charge les livrables et les intégrer. Quitte à ne pouvoir passer son livrable à l’étape suivante, l’exécutant peaufine son travail en consommant la marge restante.

Dans le meilleur cas, l’achèvement d’une tâche finit à l’heure, mais ne prend quasiment jamais d’avance. Ceci amène la conclusion que seuls les retards se cumulent, jamais les avances.

Dans tous les cas, les marges de sécurité ont été gaspillées.


Conclusion

Les conséquences de tous ces biais sont que non seulement les projets tendent à dépasser les durées prévues, mais les projets qui pourraient se terminer plus tôt ne s’achèvent pas plus tôt en pratique. Les dépassements constatés malgré les précautions et la gestion minutieuse pousse les managers de projets, ignorants les causes qui concourent à ces effets :

  • à fragmenter plus finement les tâches dans l'espoir de mieux les contrôler
  • à inclure des marges de sécurité supplémentaires

Ces marges seront à nouveaux absorbées et les projets ne gagneront ni en vitesse ni en fiabilité de timing, alimentant ainsi un cercle vicieux de projets toujours plus longs et dont les délais sont toujours aussi peu fiables.

L'approche par la chaine critique (CCPM) a analysé ce phénomène et identifié les causes de retard. Elle propose de changer de paradigme et de ne plus affecter de marges de sécurité aux tâches élémentaires mais de protéger l'ensemble du projet par un "tampon" (buffer) de temps dans lequel sont mis 50% des temps de marge traditionnellement consentis aux tâches. Les autres 50% sont purement et simplement ignorés.

>Retour au sommaire<


View Christian HOHMANN's profile on LinkedIn

Mise à jour le Dimanche, 07 Octobre 2018 10:50  

Syndication

Sujets similaires