Cet article est la transcription d'une de mes vidéos intitulée Lu pour vous : une brève histoire du Lean selon LEI, dans laquelle je présente, résume et traduit “une brève histoire du Lean” selon le Lean Entreprise Institute (LEI). Le texte original, en anglais, est disponible sur le site du Lean Entreprise Institute https://www.lean.org/explore-lean/a-brief-history-of-lean/
Cette fresque historique démarre dans les années 1450 pour arriver à nos jours. L’article est relativement court, il occupe une page sur le site Internet de l’Institut, laquelle doit être plus ou moins balayée, en fonction de votre écran.
Les racines du Lean sont suggérées remonter vers 1450 et les “processus de fabrication rigoureux” de l'Arsenal de Venise. On n'en saura pas plus. De l’Arsenal de Venise on saute à Henry Ford, en 1913, et à sa ligne de production sur laquelle on assemble des pièces interchangeables par un travail standardisé et un convoyeur (qui fait avancer le véhicule en cours d’assemblage). La production en flux est née.
Au-delà du concept de chaîne de montage, que l’on retient du modèle de production de Ford, les avancées en termes d’ingénierie de production vont bien plus loin. Chaque fois que possible, Ford a organisé les étapes de fabrication en séquence, utilisant des machines spéciales (des machines dédiées) et de jauges go/no go pour fabriquer et assembler les composants entrant dans le véhicule en quelques minutes. Les pièces parfaitement ajustées sont livrées directement en bord de ligne.
Cette organisation était une rupture par rapport aux ateliers d’alors, dont les machines regroupées par processus fabriquaient les pièces, qui finissaient par se retrouver dans des produits finis après de nécessaires ajustements au sous-assemblage et à l'assemblage final.
Le problème avec le système de Ford n’était pas le flux : il était capable de faire tourner les stocks de toute l’entreprise tous les quelques jours. Le problème était plutôt son incapacité à offrir de la variété. Le fameux modèle T n’était pas uniquement limité à une seule couleur, il était également limité à une seule spécification, de sorte que tous les châssis du modèle T étaient essentiellement identiques et ceci jusqu'à la fin de la production en 1926. Il est précisé entre parenthèses que le client avait le choix entre quatre ou cinq styles de carrosseries, celle-ci était ajoutée par des fournisseurs tiers tout à la fin de la chaîne de production.
Il semble que pratiquement toutes les machines de la Ford Motor Company travaillaient sur une seule référence de pièce et qu'il n'y avait pratiquement aucun changement de série. Lorsque les clients souhaitairent de la variété et des durées de cycles de modèles plus courts que les 19 ans du modèle T, Ford semblait perdu. D'autres constructeurs automobiles ont répondu au besoin de nombreux modèles, disposant chacun avec de nombreuses options, mais avec des systèmes de production dont les étapes de conception et de fabrication ont régressés vers des processus avec des délais de production beaucoup plus longs.
Au fil du temps, ils ont doté leurs ateliers de fabrication de machines de plus en plus imposantes et rapides, réduisant apparemment les coûts par étape du processus, mais augmentant continuellement les délais de production et les stocks, sauf dans de rares cas (tels que les lignes d'usinage de moteurs) dans lesquels toutes les étapes du processus pouvaient être mise en ligne et automatisées. Pire encore, les délais entre les étapes du processus et les acheminements complexes des pièces nécessitaient des systèmes informatiques de plus en plus sophistiqués, aboutissant aux systèmes informatisés de planification des besoins en matériaux (MRP ou Material Requirements Planning).
Lorsque Kiichiro Toyoda, Taiichi Ohno et d'autres chez Toyota étudièrent cette situation dans les années 1930, et plus intensément juste après la Seconde Guerre mondiale, il leur est apparu qu'une série d'innovations simples pourrait permettre d'assurer plus facilement la continuité du flux de processus et une large variété de produits. Ils ont donc revisité la pensée originale de Ford et ont inventé le système de production Toyota. Ce système a essentiellement déplacé l'attention des méthodes des machines individuelles et de leur utilisation (comprenez le travail au poste) vers le flux du produit à travers tout le processus.
Toyota a conclu qu'en dimensionnant les machines en fonction du volume réel nécessaire, en introduisant des machines auto-surveillées pour garantir la qualité, en mettant les machines en ligne dans la séquence du processus, en expérimentant des changements rapides afin que chaque machine puisse fabriquer de nombreuses références en petits lots et en ayant chaque étape signifiant ses besoins à l'étape précédente, il serait possible d'obtenir à faible coût, une grande variété, une haute qualité et des délais de production très courts pour répondre aux désirs changeants des clients. En outre, la gestion de l’information pourrait être rendue beaucoup plus simple et plus précise.
L’essence du Lean a été décrite en détail dans le livre The Machine That Changed the World (1990) de James P. Womack, Daniel Roos et Daniel T. Jones. Dans un volume ultérieur, Lean Thinking (1996), James P. Womack et Daniel T. Jones ont distillé leurs 5 principes du Lean :
- Spécifier la valeur souhaitée par le client
- Identifier la chaîne de valeur de chaque produit fournissant cette valeur et remettre en question toutes les étapes inutiles (généralement neuf sur dix) actuellement nécessaires pour fournir la valeur
- Laisser le produit progresser en continu à travers les étapes à valeur ajoutée restantes
- Introduire un flux tiré entre toutes les étapes où un flux continu n’est pas possible
- Tendre vers la perfection afin que le nombre d'étapes, la durée et les informations nécessaires pour servir le client diminuent continuellement
Lean aujourd'hui
Au moment d’écrire ces lignes (notez que l’article original n’est pas daté), Toyota, le principal exemple de Lean au monde, est sur le point de devenir le plus grand constructeur automobile au monde en termes de ventes globales. Son succès dominant dans tous les domaines, depuis l'augmentation des ventes et des parts de marché sur tous les marchés mondiaux, sans oublier une nette avance dans la technologie hybride, constitue la meilleure preuve de la puissance d’une entreprise Lean. Ce succès continu a créé au cours des deux dernières décennies une énorme demande pour une meilleure connaissance du Lean Thinking.
Il existe littéralement des centaines de livres et d’articles, sans mentionner des milliers d’articles explorant le sujet, ainsi que de nombreuses autres ressources disponibles pour satisfaire cette demande croissante. Alors que Lean Thinking continue de se répandre dans tous les pays du monde, les promoteurs adaptent également les outils et les principes au-delà de la fabrication, à la logistique et à la distribution, aux services, à la vente au détail, aux métiers de la santé, à la construction, à la maintenance et même aux services gouvernementaux. En effet, les principes et les méthodes Lean commencent seulement aujourd’hui à prendre racines parmi les cadres supérieurs et les dirigeants de tous les secteurs.
Et on termine avec un lien à cliquer pour en apprendre davantage sur Lean.
Quelques remarques personnelles
Je vous livre mes quelques remarques personnelles à cet article.
Si j’avais écrit l’article, je n’aurais pas mentionné l’Arsenal de Venise ou j’aurais un peu développé le sujet. Là on peine à comprendre si les racines du Lean se trouvent là ou quelle est la contribution de l’organisation de l’Arsenal au corpus des méthodes de production. C’est plus troublant que contributif, à mon avis, cela brouille l’introduction sans rien apporter. On peut très bien commencer avec Henry Ford, qui personnifie la production de masse standardisée de l’ère industrielle.
Le résumé qui suit est adapté aux lecteurs pressés qui souhaitent comprendre l’essentiel rapidement.
Le succès de Toyota est dû à son Production System, le TPS, dont Lean est une synthèse et une forme générique. Toyota doit son succès au TPS, pas à Lean. Si l’on admet que Lean est en quelque sorte un sous-ensemble du TPS ou s’il est englobé dans TPS, alors on peut admettre que Toyota est un archétype d’entreprise Lean. Que Lean ait produit un riche corpus est tout à fait vrai, et comparativement à une autre approche, la Théorie des Contraintes, le nombre de publications librement accessibles a contribué à la popularisation du Lean, alors que la Théorie des Contraintes est restée confidentielle.
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