L'évaluation du temps nécessaire à achever les diverses tâches d'un projet étant entachée de nombreuses incertitudes et les projets finissant rarement à l'heure, les chefs de projets ont tendance à verser dans la microplanification. En segmentant plus finement les activités, ils espèrent affiner la fiabilité des prévisions et améliorer la maitrise de l'exécution.
Shit happens*
L’univers d’un projet n’est pas plus déterministe que l’univers tout court. De nombreux aléas et des perturbations interfèrent avec les activités prévues et planifiées. Pour se prémunir contre ces effets, les responsables des tâches et les chefs de projets ajoutent des marges de sécurité à leurs estimations de durée.
Une croyance encore répandue consiste à penser que fragmenter plus finement les phases et tâches d’un projet va d’une part simplifier et réduire les hypothèses, d’autre part réduire les opportunités (au sens statistique) de perturbation et donc fiabiliser les prévisions de durées.
Or c’est oublier que dans un projet, les tâches sont largement dépendantes de contraintes de précédence et les unes des autres, faits qui ne sont pas pris en compte dans les estimations de durées.
Par ailleurs, en multipliant les items pour lesquels il faut évaluer la durée, on multiplie non seulement les marges de sécurité et leurs incertitudes mais également les opportunités d’appliquer les effets de la logique de l’honneur et de la loi de Parkinson.
L’optimum global n’est pas égal à la somme des optima locaux
La volonté de fiabiliser le délai projet par la fiabilisation des délais des tâches qui le composent est une autre illusion, en vertu de cet axiome : l’optimum global n’est pas égal à la somme des optima locaux (Cette phrase est la devise de la Théorie des Contrainte). Dans le contexte, cet axiome procède de l’opposition des objectifs, comme par exemple avancer le plus rapidement possible parce que le chef de service est objectivé sur la valeur acquise, alors que le chef de projet est objectivé sur la tenue des délais. Ce dernier, s’il est au fait des effets pervers du multitasking et des préceptes du management de projet par la chaine critique (CCPM), aura une approche radicalement différente.
Une autre justification de l’axiome précédent tient au fait que les tâches étant interdépendantes, la variance de la somme des délais n’est pas égale à la somme des variances individuelles. L’expérience montre bien que seuls les retards se propagent, mais que les avances ne compensent jamais les retards.
Conclusion
En conclusion, dans la recherche de la fiabilisation de l’estimation des durées de tâches et des délais de projets, la microplanification n’est pas une bonne approche. L’énergie mise en œuvre pour un résultat probablement contraire à celui attendu est un gaspillage au sens du Lean. La bonne approche consiste à identifier les causes racines du manque de fiabilité et de revoir le raisonnement d’évaluation des durées à sa base. CCPM propose l’analyse des causes et le remède.
*Cette expression qui peut paraitre terriblement triviale se traduit élégamment en français par "cela arrive". Les aléas viennent perturber, si ce n'est ruiner les planifications les plus travaillées. Dès lors, qui parmi les acteurs concernés ne reprendrait le mot de Cambronne ?
"Shit happens" est une expression américaine commune, qui reconnait avec fatalisme que les évènements désagréables ne manquent pas de survenir.
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